Jacques Lizène nous salue.

Vendredi, 15H00. Merde, je viens d’apprendre à l’instant par Eric Deprez que Lizène vient de nous quitter. Je traîne derrière moi un fort sentiment de blues, Liège sans Lizène, c’est dur! Liège ne sera plus pareil, il faudra composer sans lui désormais.
Son rire va nous manquer, ainsi que sa gentillesse, sa grande humanité, son érudition aussi. Il pouvait parler de tout. Il avait une culture générale étonnante. Je regrette de ne pas avoir profité de ses visites improvisées pour le faire parler plus d’art, il avait une mémoire prodigieuse. 
Lizène était, avec Léon Wuidar, un de mes premiers abonnés, il me racontait que les FluxNews, il les lisait toujours en entier pour voir si son nom apparaissait. Il m’avouait qu’il ne gardait que ceux où il était mentionné, me déclarant toujours dans le blanc des yeux : n’oublie pas de me citer, même une petite phrase, c’est important! J’ai connu Jacques avant de savoir qu’il était artiste. Fin des années soixante, je me rappelle l’avoir croisé à une terrasse de café sur le boulevard de la Sauvenière, nous draguions ensemble deux touristes hollandaises. Son côté dandy érudit, raffiné, petit foulard au cou, cheveux longs, plaisait aux filles.
Me revient un autre souvenir marquant. Beaucoup plus tard, je me souviens que lors d’une soirée, dans un café du centre, un peu éméché, il avait monté les marches d’un café pour se rendre aux toilettes. Je me souviens l’avoir surpris, seul, se tenant debout devant un grand miroir vertical. Je l’ai vu toiser son double et se lancer dans une grande discussion avec son reflet. J’ai eu l’espace d’un instant l’impression que le vrai Lizène c’ était celui incrusté dans le miroir. Du grand art! Je suis resté figé quelques minutes devant ce spectacle improvisé et totalement imprévu. Nous avons fait ensemble quelques expos. Ce qui m’a toujours sidéré, c’était la puissance de sa veine créative et sa générosité. Une simple feuille A4, une simple photocopie,un dessin pouvait subitement dériver très vite vers une installation magistrale. Il incluait et détournait tout ce qu’on lui glissait dans la main: un jouet d’enfant, un cadre baroque, un marqueur noir et c’était parti vers quelque chose de magnifique. Il avait, comme tous les grands artistes, l’humilité d’accepter tout ce qui provient d’autrui, de l’extérieur, pour le faire entrer dans son monde et le changer simultanément en art.  Sa grande ambition était hors Europe. Il se rêvait au Gugenheim, le seul endroit possible à la hauteur de son talent.  Le petit Maître visait haut.

Lino Polegato

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