« Tenir le fil, casser le fil »

Artiste(s)

Babi Avelino, Anne De Clerck, Moira Deepijan, Ikue Nakagawa

Expo

3 Mars au 6 Avril 2024

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L’exposition « Tenir le fil, casser le fil »,  a fait le choix de quatre artistes femmes. Toutes les quatre sont mères – c’est un hasard ; toutes les quatre parlent de maternités depuis leur maternité – et leur filiation – et malgré celles-ci ; par le dessin, la performance, l’installation, la vidéo, la broderie, elles interrogent, inscrites dans leur histoire personnelle, leurs maternités, joyeuses ou douloureuses.
Ce n’est pas un hasard si cette exposition se tient dans une maison, le lieu de l’intime, du privé, de ce que l’on cache, que ce soit pour préserver ce que l’on chérit ou pour occulter ce qui est honteux. Cocon ou prison, la maison symbolise également la transmission et la filiation, les racines sur lesquelles on construit et desquelles il faut, pourtant, se détacher, la question étant de savoir comment « casser » ce fil tout en le « tenant ». Les 4 artistes qui y sont réunies sont des funambules qui dansent, tanguent, tombent et se raccrochent à la corde tendue entre des contradictions. Tensions d’autant plus douloureuses qu’elles les affectent dans leur être. Tiraillements qu’elles préfèrent subir, voire sublimer, plutôt que d’avoir à renoncer. Toutes 4 se refusent aux renoncements que l’on attend si facilement des femmes et qui concernent rarement les hommes-artistes-pères.

Les dessins d’Anne De Clerck. 

Tantôt au crayon presque invisible tant le trait caresse plus qu’il n’imprime la feuille, du noir et blanc dépouillé, introspectif ; tantôt aux crayons de couleurs grasses et pulpeuses, sauvages, obscènes, drôlatiques. Petits formats arrachés à l’envahissement du temps et de l’espace, ils constituent un cabinet des curiosités vitales ; le croquis y jaillit d’un geste non prémédité, un geste viscéral, qui ouvre – une naissance ? – pour laisser sortir ce qui grouille à l’intérieur. Issues du chaos primordial ou auto-enfantées, ses formes spontanées se métamorphosent en embryons, en organes de reproduction animaux ou végétaux, en silhouettes d’enfants et de mères tantôt colorées, pleine d’une énergie brute, tantôt féroces et sombres, tantôt subtiles, fragiles, ténues et puissantes à la fois. Éros et Thanatos se côtoient dans le monde de l’artiste, pulsion de vie et pulsion de mort, désir et besoin, liaison et déliaison .

Moïra Deepijan poursuit, avec rigueur et ténacité, un travail entamé dès la fin de ses études sur la maternité et la filiation, en témoigne son travail de fin de master « Incarnation – Noir – Déréliction », triptyque vidéo explorant ces trois concepts : l’incarnation renvoie à la mère mais aussi à l’artiste ; le noir, absence de couleur, absence tout court, symbole du monde souterrain, de la terre et des entrailles autant que de l’angoisse et de la solitude, c’est-à-dire le troisième terme, déréliction. Poursuivant la réflexion, les « Cocons de soi », entre auto-enfantement et auto-bercement, sont les traces laissées par ces processus où il faut, pour survivre, laisser mourir d’autres soi, dans l’espoir que ceux qui sont sortis des cocons puissent, eux, déployer leurs ailes. Mais une femme peut-elle être à la fois artiste et mère ? 

La vidéo-installation de Babi Avelino, se compose d’une « potale » en bois et d’une vidéo tournée lors de son dernier voyage au Brésil. Les potales sont des autels ou des niches, communes en Wallonie, accueillant des figures de la Vierge Marie. Artiste brésilienne installée en Belgique, Babi a dû recréer ici le village qu’elle n’a pu emporter dans ses bagages, tout en continuant à tisser, par écrans interposés, les liens qui la relient à sa mère, la grand-mère de son fils. Ce voyage réalisé en octobre 2023 au Brésil, après 6 ans d’absence, a été l’occasion de passer du virtuel au réel, de la distance à la présence, de l’invisible au palpable, entre sa mère et elle, entre son fils et sa grand-mère, pour célébrer la transmission de la vie et la vie de la transmission. Les portraits de famille vidéo qu’elle en a ramenés figent, dans une nature exubérante et mouvante, les liens et les relations en même temps qu’ils questionnent le rapport au temps : peut-on vraiment le suspendre pour saisir, « une bonne fois pour toutes » le bonheur et l’amour ?

Immobilité et mouvement ne peuvent exister l’un sans l’autre, et Ikue Nakagawa le prouve qui danse avec les effigies grandeur nature des membres de sa famille. Le projet « Tamanegi » (« oignon », en japonais) inclut danse et dessin dans une navette constitutive pour l’artiste. Mère, femme, chorégraphe, danseuse, plasticienne. Ses dessins constituent le journal graphique rempli de poésie et d’humour, de son questionnement sur l’interdépendance et la liberté, la protection et l’émancipation, l’amour et le détachement, la perte de ses contours et l’affirmation d’un soi toujours à réinventer, à retisser. Ils sont à la fois le prélude à ses chorégraphies et la première forme plastique d’une pensée en mouvement qui dessine les chemins, visibilise les liens entre les êtres et tournoie autour de soi, autour des siens, à la fois proches et inconnus.

Nadine Janssens (extraits FluxNews 93)

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