Keep Rocking. Wim Delvoye occupe les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. 

Wim et BHL devant les Têtes de nègres de Rubens ©FluxNews


L’exposition fait dialoguer des chefs-d’œuvre de la collection d’art ancien avec des créations de l’artiste inspirées directement par les lieux. Wim Delvoye est connu comme artiste et entrepreneur, le “et” est important. C’est un peu comme dans la porte ouverte et fermée de Duchamp quelque part. Dans le cadre de la gestion de sa petite entreprise, il est souvent amené à se produire aux quatre coins de la planète. En 2010, après avoir abandonné la Chine devenue moins compétitive, il a choisi l’Iran qui est actuellement sa terre de prédilection. Il investit la ville de Kashan, au sud de Téhéran, pour y faire travailler des artisans locaux sur ses nouveaux projets.

Dans son discours inaugural, Pierre-Yves Desaive, conservateur et commissaire de cette exposition, soulignait les affinités de l’artiste avec la sociologie. L’exposition doit être lue, non pas comme une rétrospective mais comme un « panorama » de ses 20 dernières années de productions. Dans le cadre de la visite, Wim Delvoye, enfile le costume du sociologue et en vrai commentateur de son époque, signe ici un parcours des plus réussis.
C’est tout le musée qui est squatté par ses pièces qu’il fait dialoguer avec quelques bijoux de famille du musée. Baptisées Twisted Works, ses nouvelles productions s’inspirent d’œuvres anciennes du 19e siècle, qui sont revisitées et réinterprétées. Le Dénicheur d’aigles de Jef Lambeaux, La Danse de Raoul Larche valent à elles seules le déplacement.  En spécialiste du genre et grâce à la technologie numérique 3D qui amplifie la torsade, il réussit à leur donner une seconde vie artistique. Autre surprise, le prix de la meilleure scénographie avec Tapis-dermy de 2010. On redécouvre ses cochons new style relookés à la mode iranienne. Emmaillotés de leurs tapis persans, ils prennent la posture Magritienne dans la salle des Rubens et viennent agrémenter le parcours par leur présence. La devise préférée de (Wim Delvoye : Le cochon, c’est la tirelire du pauvre – l’art, celle du riche ! )
A l’étage moins trois, une succession de salles accueille dans une semi obscurité une compilation de pièces importantes de l’artiste. Dans cette partie souterraine du musée dénommée le puits, la torsade en vrille est a l’honneur . Les christs sur la croix, enroulés sur eux même sont flanqués des vitraux de style néogothiques. S’y trouve aussi, Cloaca, la célèbre machine qui produit des étrons occupe une place importante dans cette partie de l’expo.
On a tous gravé dans nos mémoires ces sarcophages antiques, originaires de Palmyre ou d’ailleurs, où l’on pouvait admirer des scènes de combats mythiques accompagnant les défunts dans l’au-delà. Wim Delvoye réutilise ce thème en réinterprétant le sujet des bas-reliefs en marbre en s’inspirant des jeux vidéos en ligne: Bas-reliefs Counter-Strike et Fortnite (2018). Wim Delvoye isole des images de combats virtuels et les fait graver dans le marbre grâce aux nouvelles technologies.  Un petit bémol, au niveau de la présentation, le manque de contrastes entre ombres et lumières donne aux bas-reliefs une apparence d’austèrité. En vis-à-vis, la grande fresque poétique, Love Letter I, composée d’épluchures de patates de style arabisant ( Lettres d’amour de Mohamed à Caroline ) invite à rêver d’espoir face à la violence… 

Au niveau de l’emplacement idéal de la Cloaca, on aurait aimé la découvrir dans la grande salle de l’entrée. (WD: Je pensais qu’ici c’était comme le Louvre, que rien n’était possible, je n’ai pas osé le demander …)  Il est vrai que si cette mise en perspective avait été rendue possible, les risques de voisinages non désirés auraient pu, on s’en doute, être mal interprétés. Au lieu de l’imposante machine à couler des bronzes, c’est à une carrosserie vide de Maserati en aluminium que le spectateur se retrouvera confronté dans le fond de la salle de l’entrée. (WD : J’adore cette forme, c’est très aérodynamique…) Cette œuvre mythique est entièrement gravée de motifs arabisants. Elle accueille le visiteur dès l’entame du parcours. Sur le capot du moteur légèrement bombé en son centre sont gravé des motifs coraniques, l’artiste me confie qu’ils nous parlent de l’ascension de Mohamet. La dernière pièce du parcours (du puzzle ?) se situe dans la cave et figure elle aussi un autre bolide mythique : la Ferrari Testa Rossa. Petite sœur de la première, à l’échelle réduite cette fois. Délicatement posée sur son socle, elle dégage une impression de calme et de sérénité. Fonctionnant en véritable métaphore du tapis volant, ces deux reliques désossées, dévitalisées, nous invitent indirectement à un autre type de voyage, plus spirituel. La monture est au choix. À tombeau ouvert, la direction c’est le ciel. (Nous devons prendre le temps de la contemplation) nous rappelle Wim. Le vieux rêve de soudure Orient/Occident est ici remis en équation.

Un regret ; lors de ma visite j’ai croisé un autre logo : BHL. En visiteur de marque, il avait voulu (sous bonne escorte) s’offrir en primeur la visite en compagnie du directeur Michel Draguet et de l’artiste. Juste le temps de la pose pour la photo. Interview improvisée au pas de course, me faisant louper sur le fil, la vraie question débat sur le devenir de l’Europe entre l’artiste (pro gilet jaune, défendant les idées populistes) et le philosophe (pro Macron). A voir prochainement sur youtube.

Lino Polegato

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