IKOB : Un panorama féministe et féminin

Tanja Mosblecch, Madame-Arbre 1 - 3, 2019, huile sur toile, 100 × 70 cm © Ludovic Beillard

Parallèlement à son prix pour « l’art féministe », l’Ikob (Musée d’Art Contemporain d’Eupen) met à l’honneur les femmes de sa collection. Cet « inventaire critique » permet de s’interroger sur le statut des femmes dans le monde de l’art et est également une bonne occasion pour (re)découvrir les œuvres de cette collection.

« Les hommes au dépôt, les femmes au musée ». La formule est brève et incroyablement juste. Avec ce geste artistique fort, l’Ikob décide de revoir toute l’histoire de sa collection à travers le prisme de l’égalité hommes-femmes. Le constat est clair : 4/10. Sur dix artistes de la collection de l’Ikob, quatre sont des femmes. Cette note, en échec, est un bon indicateur du statut des femmes dans le milieu de l’art. Précisons toutefois que ce score est bien meilleur que les moyennes de beaucoup d’autres musées…
En entrant dans l’institution eupenoise, on est directement attiré par une porte entrouverte au fond du hall d’entrée : la porte de la réserve, habituellement fermée. On peut ainsi apercevoir les œuvres des mâles, entreposées à l’étroit comme des objets quotidiens, privés de statut artistique.

Une collection revisitée

En montant l’escalier, on est attiré par un bruit. Un faible bruit, continu et irrégulier. En face de nous se tient un miroir poncé reflétant notre forme blanchâtre et imprécise, comme un tableau de Luc Tuymans. Avec cette installation nommée Imperceptible Self, l’artiste luxembourgeoise Sali Muller suscite une réflexion sur l’image de soi dans notre civilisation du selfie. Sur le mur d’en face, on retrouve un étonnant trio d’affiches bigarrées de la Belge Delphine Deguislage, où un guépard se tient à côté d’une statue païenne et d’étranges motifs décoratifs.
Une chose est certaine : avec cette exposition, l’Ikob a choisi la diversité (diversité des supports, des influences, des thématiques). Le directeur de l’Ikob, Frank-Thorsten Moll, affirme d’ailleurs ce choix : « Cette exposition n’abrite pas beaucoup d’artistes exclusivement “féministes”. C’est aussi le but : nous voulons montrer l’hétérogénéité de ce thème, avec des artistes qui, normalement, ne sont pas dans les mêmes expositions, car elles ont des thèmes différents, ne sont pas de la même génération, etc. ». Ainsi, une lithographie de Christo et Jeanne-Claude (The Gates (Projet pour Central Park, New York City)) fréquente les photos mélancoliques de Beatrice Minda, photographe allemande. Certaines œuvres évoquent directement des thèmes liés au féminisme. D’autres moins. Dans certaines œuvres, c’est essentiellement le statut de la femme artiste qui est mis en avant (le cas de Jeanne-Claude par exemple).
Étonnamment, la peinture est très présente dans cette exposition. De quoi faire de belles découvertes picturales. Ainsi, une grande sensibilité se dégage des œuvres métaphysiques de Johanna Deiglmayr-Buchholz (Volant I – II), de la scène de bain d’Andrea Lehnert (Le bain 5) et des trois femmes fantomatiques de Tanja Mosblech (Madame-Arbre 1 – 3). Dans un tout autre registre, les monochromes de Denise Gilles apportent une indispensable touche de sérénité.

Prix de l’art féministe

Avec cette exposition, l’Ikob inaugure une saison basée sur le thème du féminisme. Le musée eupenois organise d’ailleurs son premier « Prix d’art pour l’art féministe ». Dans l’appel à candidatures, l’institution veut brasser une large catégorie d’artistes : « Sont conviés à participer à ce prix des artistes – femmes et hommes – dont le travail contribue à la diffusion des idées et idéaux féministes ». Le prix s’inscrit d’ailleurs dans une définition large du féminisme, à l’abri des guerres théoriques. Le directeur affirme : « Quand je dis “féministe”, je ne veux pas juger et critiquer uniquement par rapport au féminisme philosophique ».
L’artiste sélectionné recevra un « budget de production et d’acquisition » ainsi qu’une exposition individuelle en 2020. La proclamation des résultats et le vernissage auront lieu le 20 octobre 2019, à 17h, à l’Ikob.

Romain Masquelier

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