Le feuilleton de l’été

L’objectif de Sébastien Laurent est de donner un sens caustique aux cartes géographiques © Gordon War

Border (4) à Tournai : Tamat et Beaux-Arts

Après le Carillon et le MuFIm, voici maintenant les collaborations du musée des Beaux-Arts et de celui de la Tapisserie et des Arts textiles de Tournai à la triennale Border.

La coopération des musées au projet triennal du groupe « Intersections » confirme le fait que désormais l’antique cité scaldienne prend en compte l’art contemporain comme partenaire culturel en continuité avec le passé historique, qu’il ne s’agit plus seulement de préserver des témoignages mémorables mais bien d’être attentif aussi au présent, donc à l’avenir. Preuve indubitable de la fin définitive du système longtemps pérenne des conservateurs muséaux bénévoles qu’adoptèrent jadis les élus locaux par souci d’économies immédiates sans tenir compte des retombées touristiques et économiques à long terme liées à la richesse patrimoniale.

Au musée ‘Horta’

La vénérable institution construite par Horta, bientôt en totale rénovation, accueille en ce moment des travaux de Raffaella Crispino dont Judith Kazmierczack a récemment parl. Elle a entre autres bâti un mur de briques à l’intérieur de l’édifice. Il constitue une sorte d’enclos au sein duquel elle effectue diverses expériences avec des végétaux. Cette construction éphémère porte une multitude de signifiés dans le contexte politique mondial engendreur de tant d’exils précaires.

Quelques vidéos complètent cette présence. On suivra avec un amusement intéressé celle qui a filmé une performance récente à Tournai. Il s’agissait de simuler le transport vers le lieu d’exposition, à travers des rues tournaisiennes, d’une des toiles monumentales de Louis Gallait roulée dans un énorme cylindre en bois. Car c’est de la sorte que l’on véhiculait ces peintures gigantesques de ville en ville pour donner aux citoyens d’alors des leçons d’histoire. Les autres films traitent de rapport entre femmes et nature, d’entraide entre les gens.

Au Tamat

Jacques Lizène a revu l’image de la Belgique pour un nouveau drapeau © Gordon War

La façade est ornée de drapeaux issus de la collection « Grand Large »  initiée par Bruno Robbe et Daniel Dutrieux. S’y côtoient des étendards de Patrick Merckaert, Costa Lefkochir, Walter Swennen, Jean-Pierre Rensonnet et Roger Raveel. Sur un palier, Jacques Lizène déploie une version hybride du coq wallon et du lion flandrien. De son côté, Edyth Dekyndt arbore des oriflammes ornés de signes ésotériques en dialogue indirect avec l’iconographie de la Renaissance des œuvres licières de la collection permanente. Cette dernière est présente grâce à une sélection qui permet au visiteur de se faire une idée de l’évolution de l’art de la tapisserie du XVIe à aujourd’hui, via le renouveau de l’après-guerre 40-45.  

On s’attardera en particulier sur la transposition en laine de la gestuelle d’abstraction lyrique de Zéphyr Busine. Sur le passage à la sculpture par Tapta Wierusz-Kowalski qui est parvenue à un véritable renouvellement de cet art autrefois cantonné dans deux dimensions. Christine Wilmes se sert d’un matériau particulier puisqu’elle expose une pellicule de caoutchouc ayant pris l’empreinte d’une façade, à la fois clone d’une architecture et d’un relief fictif d’habitation.  Martine Doly appartient à une génération qui a découvert le minimalisme. Son accumulation de torchons usagés et neufs sort l’objet usuel du quotidien ; il devient témoin hors contexte d’une vie de centrée sur des actes ménagers. Comme un ustensile archéologique sorti de fouilles au sujet d’un passé éloigné.

Olivier Reman  présente une partie de ses séries réalisées au crochet. Ainsi ses crânes accumulés comme dans une catacombe ou une couronne tricolore belge. Ainsi ces architectures en blanc et rouge de la cité tournaisienne rassemblées et modulables, sorte de pastiche des célèbres maquettes de plans de villes  du XVIIe siècle selon Vauban dont une copie existe au MuFIm. Une prise de distance avec un réalisme figé par l’histoire.

En modifiant les notations inscrites sur des cartes de géographie, Sébastien Laurent donne une vision caustique baptisée « Le monde vu d’en-bas ». Parti du principe que toute cartographie est réalisée en fonction plus ou moins consciente d’une idéologie (on a vu, exemple extrême, dans le monde arabe, des cartes où Israël ne figurait pas), il a remplacé une partie des indications de lieux par des commentaires bougrement provocateurs et fort drôles. Certains font resurgir des stéréotypes réducteurs en les ridiculisant, voire en leur injectant une dose de dérision. Telle nation se voit rebaptisée « Les gros qui bouffent des burgers », telle région « Réserve de footballeurs » ou « Corruption », tel secteur océanique « Là où les baleines font pipi »…

À proximité, le visiteur trouvera un illustre prédécesseur : Marcel Broodthaers. En vitrine trône en effet son Le plus petit atlas du monde dans lequel une trentaine de pays sont représentés à la même taille. Et Mohammed Alani poursuit son entreprise de métamorphose des objets notamment par un globe terrestre englué et une brique magnifiée intérieurement par de la couleur.

   Michel Voiturier

A Tournai, jusqu’au 11 septembre 2022 au Carillon, au MuFIm, au Beaux-Arts et au Tamat. Infos et renseignements notamment à propos des visites guidées :  Intersections (triennaleintersections.be)

Voir Border 1, 2 et 3 :    A Tournai BORDER (1) – Flux News Online  ; www.fluxnews.be/le-feuilleton-de-lete/ ;   https://fluxnews.be/le-feuilleton-de-lete-a-tournai-border-3-au-mufim/

Voir Musée Horta : https://fluxnews.be/tournai-musee-des-beaux-arts-entre-passe-present-et-futur/

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