Marcher, classer, nommer

"Less is More", 2014, photographie et installation de Frédéric Fournier

“Marcher, classer, nommer”. Ces trois actions pourraient presque être récités à la manière d’un mantra guidant la visite de l’exposition actuelle à la Maison du Bocage. Elles révèlent une façon d’être dans le paysage, de l’éprouver, de sentir la nature environnante au travers d’une démarche particulière: celle de la constitution d’un herbier.

La composition d’un herbier résulte d’une double démarche : une déambulation exploratoire suivie d’un classement selon une nomenclature précise. L’un et l’autre aspect de cette pratique sont régulièrement convoqués dans l’art contemporain. De tous temps, les artistes déambulent dans le paysage, simplement pour le ressentir ou agir sur ce qui les entoure. On pensera notamment à Richard Long, par ailleurs présent dans l’exposition. D’autres se réapproprient régulièrement le vocabulaire scientifique, qu’il soit entomologiste ou muséal, pour le détourner de façon poétique. Les artistes exposés au sein de « L’herbier : marcher, classer, nommer le paysage » proposent des œuvres qui combinent ces deux manières de percevoir et d’être dans le monde.

L’exploration du paysage précède toujours la mise en place d’une collection botanique. Elle requiert de la lenteur, de l’observation, de longues marches préparatoires. Cette déambulation lente amène à développer une réflexion sur notre rapport à la nature et à prendre conscience de la position de notre corps dans l’espace. Dans cette veine, Frédéric Fourdinier, artiste en résidence, propose une installation où différents fragments de la nature, images récoltées lors de ses promenades, offrent une certaine réalité du paysage avesnois. Cette idée de marche lente et de présence du corps est également présente dans l’œuvre de Mira Sanders. Eléments végétaux et éléments industriels s’entrecroisent pour former un herbier dont les contours dessinent la relation qu’entretient l’homme avec la nature.

A la suite de la découverte sur terrain et de la récolte, vient le classement pour laisser émerger une certaine idée du paysage. L’herbier y est soumis, dans sa forme et dans son contenu, à une réinterprétation poétique. Présenté dans un meuble d’entomologiste ou requérant une manipulation délicate, il recèle de petits bouts de microcosme qui se transforment physiquement si l’on force le regard (Sébastien Gouju et Aurélie Mourier). Mais, plus qu’un ouvrage renfermant des fragments de nature, il devient aussi lui-même objet exposé à la classification dans la bibliothèque d’Herman de vries.

A travers cette thématique de l’herbier, c’est avant tout une éloge de la lenteur, une façon d’être présent dans le paysage et de le vivre que propose l’exposition. Science et art sont régulièrement liés dans l’histoire de l’art contemporain. Et « L’herbier : marcher, nommer, classer le paysage » constitue un nouvel exemple de cette interaction qui mène, d’une manière ou d’une autre, à l’émerveillement.

Céline Eloy

 Maison du bocage 

Exposition jusqu’au 31 août 2014

 

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