À Bozar, le corps s’exprime au féminin

Francesca Woodman : Self Portrait Talking to Vince, 1975–78. Black-and-white gelatin silver print on barite paper © George and Betty Woodman, New York / SAMMLUNG VERBUND, Vienna

Dans le cadre du « Summer of Photography », Bozar accueille des œuvres issues de la Sammlung Verbund, rassemblées dans l’exposition « WOMAN. The Feminist Avant-Garde of the 1970s » sous le commissariat de Gabriele Schor.

Plus de quatre cents œuvres de 29 artistes, provenant de la foisonnante collection viennoise fêtant ses dix ans, explorent la question féminine à travers des champs variés, qu’il soit sociologique, introspectif, politique ou poétique. La cohérence de l’ensemble, déjà présenté  à Rome partiellement en 2010, est le résultat de la politique d’acquisition pertinente et ciblée de la Sammlung Verbund, axée notamment sur l’art féministe d’avant-garde.

Le point commun des œuvres exposées ici semble être indiscutablement le corps féminin. Celui dont la représentation était jusque-là un monopole masculin est à présent vu – scruté – par les femmes elles-mêmes…, malmenant une certaine représentation classique en plaçant le corps même de l’artiste au centre de l’acte créatif. Les médias utilisés, variés, mais ne faisant pas une place de choix à la peinture, attestent de cette volonté d’appréhender le corps d’un point de vue singulier. Support évident à cette époque de révolution sociale et sexuelle, il fait office de base solide, point de départ et d’arrivée d’une liberté trop longtemps méprisée.

Et si le corps s’affiche, c’est notamment pour sonder l’ « âme ». De multiples photos, vidéos ou installations témoignent de ce besoin de se comprendre, de se définir, si partiellement soit-il. Les photos de Francesca Woodman (US), artiste précoce s’étant défenestrée à 22 ans, reflètent cette introspection permanente. Que ce soit dans les autoportraits mis en scène méthodiquement ou dans les clichés plus spontanés, l’auteure se dérobe et nous laisse dans le flou, jouant avec l’espace et la lumière, délivrant une vision d’elle-même fragmentaire et contrastée.

Le corps encore, mais pour interroger les rôles et les genres, comme une trame nécessaire pour s’exprimer, s’affirmer. Dans les œuvres de Cindy Sherman (US) ou de VALIE EXPORT (AUT), par exemple, il est le médium de la déconstruction des assignations culturelles liées au sexe. La notion de transformation tisse également un fil conducteur, tout comme cette volonté chez diverses artistes de s’approprier des symboles masculins forts: le Christ chez Hannah Wilke (US) ou le Roi chez Eleanor Antin (US). Dans un autre registre, Lili Dujourie (BE) joue sur l’ambivalence formelle pour capter le moment où le corps n’est plus sexuellement défini. Citons également l’œuvre polymorphe de Birgit Jürgenssen (AUT), interrogeant les métamorphoses du corps féminin, entre humour et poésie.

À cent lieues de certains clichés extrêmes liés au féminisme, les artistes revendiquent ici leur féminité corps et âme.

Sylvie Bacquelaine

Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar)

Jusqu’au 31 août 2014

1 Comment

  1. Pour avoir vue l’expo, je trouve ce compte-rendu assez représentatif de la réalité.
    Cependant, j’ai parfois eu du mal à suivre d’une œuvre à l’autre, sans doute par manque de contextualisation claire. Je pense que l’expo se dirigeait plus à un public averti.

    Kahina.

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