Objets volants, entre Paradis et Enfer

Des objets volants de tous bords inspirent une génération d’artistes qui revisite la symbolique des tapis anciens, le rêve ancestral de voler, ou encore l’occupation de l’espace par les satellites et les craintes liées à l’extension planétaire des drones.

Référence-phare de cette exposition, le tapis volant, hérité de la mythologie perse, se voit réapproprié par des artistes contemporains et prendre de nouveaux contours. Moussa Sarr lui permet ainsi de réellement voler, à partir de la technologie des drones. D’autres détournent le tapis à des fins dénonciatrices. Le tapis percé de 200 flèches de bronze de Cai Guo-Qiang souligne la vision d’un monde mu par la violence, l’instabilité, les échanges et migrations. De son côté, au travers de corps enroulés sensuellement dans de grands tapis orientaux, le jeune artiste iranien Babak Kazemi (1983) réfute les restrictions imposées par une société aux règles dictées par la religion. Les photographies présentées ici, évoquent la tragédie d’un triangle amoureux via Shirin et Farhad, personnages d’un conte du 16e siècle, et dénonce l’impossibilité d’aimer librement sous le régime actuel de son pays. Marqué par la guerre Iran-Irak dès la tendre enfance, l’artiste use de procédés, produits et matériaux dérivés du pétrole, matière première au centre de nombreux enjeux.

Avec provocation et humour, Farhad Moshiri présente le tapis persan, objet universel de la vie domestique, comme un outil militaire. Son Flying Carpet est constitué d’un empilement de tapis. Au centre, la forme d’un engin guerrier a été découpée. Son travail traite avec récurrence des rapports entre la culture iranienne et le monde occidental. Inspiré par le Pop Art, il puise dans les deux cultures populaires. Il se dit « fasciné par les objets iconiques et clichés, comme les tapis persans, probablement le plus grand produit d’exportation iranien après le pétrole ».

Drones humains

D’autres objets volants ne cessent d’alimenter l’imaginaire, à commencer par les cerf-volants apparus en Chine il y a 3000 ans, mais aussi plus récemment, avec la création de nouveaux outils d’observation de la terre, les ballons, avions, fusées, satellites ou drones. Ces derniers, en particulier, questionnent tout un chacun. Parmi les artistes présentés à la Villa Empain, Grégoire Gicquel (aka Greygouar), associe street art et ligne claire dans ses créations graphiques, tel cette carpette qui révèle l’invasion du drone dans le monde, devenu outil de guerre et instrument d’hyper-contrôle planétaire. Sébastien Reuzé, lui, observe le quotidien d’un pilote de drone de l’US Air Force, retracé en quelques forts clichés photographiques.

Citons encore le collectif italien subversif IOCOSE -du latin Iocus, blague- (Matteo Cremonesi, Filippo Cuttica, Davide Prati et Paolo Ruffino). Dans sa série Drone Selfies, le collectif pointe l’intérêt récent du public pour les drones, et le fait que ces engins technologiques dérivés de l’industrie guerrière ont été rendus attrayants par une une commercialisation volontariste. En imaginant avec ironie le potentiel créatif des drones et leur vie dans un monde meilleur, le collectif leur attribue des comportements calqués sur l’humain, telle la pratique diffuse des selfies…

 

Catherine Callico

Le Paradis et l’Enfer, jusqu’au 06/09/2015, www.villaempain.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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