Kimsooja : Weaving the World

Au Centre Culturel de Strombeek

Kimsooja : Weaving the World

Connue pour ses installations, ses vidéos et ses performances l’artiste coréenne Kimsooja (°1957) a entrepris en 2010 une série de films intitulée « Thread Routes ». Tous développent les relations entre le textile, l’architecture, la nature, l’agriculture et les rapports entre masculin et féminin. Chacun d’eux s’attache à une région du monde, il explore des éléments de sa culture textile et prend la forme d’un poème anthropologique. On peut voir un chapitre de cette série, une installation et une série de photographies au CC de Strombeek.

Dans une série de performances vidéos réalisées entre 1999 et 2005, intitulée « A Needle Woman » l’artiste se présente de dos et immobile, à contre sens du mouvement général d’une foule urbaine. La vie contemporaine se déroule autour d’elle, elle en est exclue en même temps qu’elle est le seul point fixe qui relie tous les autres humains qui la contournent et se fraient un chemin presque sans la remarquer. Que la performance se déroule à La Havane, à Jerusalem, à Mexico ou à Tokyo, elle est toujours semblable – longs cheveux noués, veste grise ; cette femme aiguille rassemble les fragments dispersés d’une humanité. Elle tente ainsi de tisser le monde, ce qui est aussi le titre de son exposition actuelle au CC Strombeek.

L’art de la dentelle

Tisser le monde évoque immanquablement les travaux d’aiguille, souvent féminins, et ce rapport au travail textile forme le centre de son oeuvre. Ainsi, le couvre-lit coréen – qui devient tableau et cadre de vie – ou le bottari – un baluchon typique – sont deux éléments essentiels dans l’oeuvre multidisciplinaire de Kimsooja, ils deviennent les vecteurs de son questionnement sur la place de chacun dans un monde déboussolé.

« Thread Routes » se compose aujourd’hui de cinq films définis par l’artiste comme des chapitres. Le second est au centre de l’exposition du CC Strombeek. La grande salle est plongée dans l’obscurité, un prisme à base triangulaire sert d’écran à trois faces qui reçoivent chacune la même image : le mouvement mécanique d’un métier à dentelle, une structure métallique, des femmes assises dans un champ de fleurs occupées sur un coussin à dentelle et des fuseaux, l’entrelacs d’un décor en bas relief, des végétaux, etc. Sur le mur du fond, un écran noir et blanc restitue les ondes lumineuses numériques en même temps qu’il devient lui-même le métier virtuel d’une dentelle particulière et mouvante qui renvoie à l’étymologie du mot : denteler, c’est-à-dire découper en forme de dents.

Dans un espace adjacent, des parois en miroir disposées en étoile démultiplient l’espace et l’image du visiteur tandis que la série de photographies intitulée « Architecture of Vulnerability – Darkness » montre des paysages nocturnes où la relation entre les taches lumineuses et l’obscurité relève d’une dentelle singulière.

Ce chapitre II de « Thread Routes » s’attache à une seule technique textile : la dentelle, un tissu sans trame ni chaîne, fait de vides et de pleins, aux motifs variés et arachnéens, tout à la fois solide et fragile. Le film voyage à travers l’Europe et s’intéresse aux différentes techniques : au fuseau à Bruges et en Croatie, à l’aiguille chez les nonnes du monastère de Hvar (Croatie) et chez les dentellières de Burano (Italie), industrielle à Calais. En contre-point de ce travail minutieux, délicat et féminin, l’artiste insère des réalisations architecturales, audacieuses et masculines comme le Duomo de Milan, la Tour Eiffel de Paris, l’Alhambra de Grenade et l’ossuaire de Sedlec à Kutna Hora (République Tchèque). Pierre, fer, os remplacent le fil dans des dentelles qui s’opposent à celles des femmes par leur caractère monumental, la solidité des matériaux et leur incarnation d’un pouvoir civil ou religieux. L’artiste juxtapose les images, elle y ajoute une bande-son faite de petits bruits quotidiens et immémoriaux – le vent, le cliquetis des fuseaux de bois qui s’entrechoquent, une cloche au lointain. Kimsooja traverse ainsi les époques et les pays pour nous intéresser à la position de chaque être humain sur terre, aux relations qu’il entretient avec le reste du monde et au rôle social des femmes par delà le temps et l’espace.

Colette DUBOIS

Kimsooja : Weaving the World

van vr 18.11.2016 tot zo 18.12.2016

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