erg de Catharina van Eetvelde à l’Iselp

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Les cheveux sagement tirés, en blouse de laboratoire ou en tenue sombre, Catharina van Eetvelde traduit, au travers du dessin vectoriel, une approche ‘inclusive’ de la réalité. Où se mêle l’être et le non-être, le blanc et le noir, l’art, la science et le système. Succédant à l’exposition De l’assemblée à l’imprimante de Yoann Van Parys et pour le troisième volet d’#INSTITUT à l’Iselp, axé sur le processus de production, l’artiste poursuit son projet erg.

Originaire de Gand, vous vivez à Paris. Pourquoi vous être expatriée ?

J’ai eu un besoin de distance et d’anonymat, en vivant dans une grande ville. Je viens d’une famille de scientifiques, où la vision de l’art est problématique. De plus, j’ai été élevée entre science et religion, et j’ai mis beaucoup de temps à comprendre où cela m’amenait. Dans une quête cosmologique, je m’interroge sur ce qui lie les gens, les choses, ce qui nous entoure ? En quoi et comment ils croient ? Ces questions donnent une sorte de fil rouge dans ce que j’essaie de faire.

Dans le cadre de #INSTITUT, vous partez de l’oeuvre système erg?

On vit dans un système hyper rationnel, qui a très peu de réflexion par rapport à lui-même, et aux choses qu’il exclut. Mon travail actuel repose sur l’inclusion de qui a été exclu. Lorsque la technologie est arrivée dans l’art dans les années 60, le système était très binaire. Aujourd’hui la science et la technologie font évoluer le rapport avec l’art. Le mot ‘système’ est pris ici dans un sens organique, chaotique à la Prigogine, et non binaire, rationnel. On peut déterminer la validité d’un système par rapport à sa capacité à faire exister ce avec quoi il est en contact. #INSTITUT est important de par le rapport au système, qu’il active et matérialise dans ce cas-ci par le biais d’une imprimante.

Il s’agit ici d’une partie de votre projet erg, déjà exposé au Kupferstichkabinett de Bâle et au Centre Pompidou?

Je propose une trace ‘gratuite’. A partir de 2010, j’ai mis sur le web un livre à l’envers dans le cadre de erg, à télécharger et à imprimer selon un mode d’emploi qui reprend le type de papier utilisé et de scotch, la façon dont je le fixe au mur, etc. Avec Maïté Vissault, qui suivait erg depuis un moment, on a décidé de faire quelque chose autour de l’imprimante.

Concrètement ?

Chaque jour, j’envoie à l’Iselp des choses à imprimer, entre pureté technique et générosité. L’idée est de transmettre quelque chose de joyeux, dans le partage, la distribution gratuite. J’imprime 83 pages en A4, qui documentent sur une attitude de dessin, vis à vis d’une réalité ostentatoire. Cette mise à nu provient d’une recherche: ce qu’on appelle ‘réalité’ se réduit-il à un point où se croisent les pensées, l’inventivité?

Vous vous référez souvent à la physique quantique et à Schrödinger ?

Oui et au concept que les choses existent et n’existent pas au même moment. En relation avec les choses qui nous entourent, le cerveau travaille alors sur un mode d’opposition par rapport à la rationalité. On a beaucoup de retard par rapport à la réalité. Il y a à peine plus de quatre siècles que l’on a accepté que la Terre n’était pas au centre de l’univers. Je crains les réalités pré-établies. Quand j’ai débuté erg, je me suis demandée comment il était possible pour une variable de varier, dans une approche cosmologique. Aller vers l’indivisible pour bâtir en étant précis et incertain. On est dans un mode de pensée binaire et on n’a pas l’habitude de faire cohabiter, ressentir, des notions que l’on a appris à séparer. J’essaie de trouver une aisance à les rapprocher, j’invite les matières à produire de cette façon.

Comme l’imprimante ?

Elle fait ce qu’elle sait faire. Le dessin se définit par rapport à son support, qui a une relation problématique avec sa temporalité. Sur papier, il ne peut survivre, à cause de la lumière. L’anthropologue anglais Tim Ingold explique clairement le dessin comme une attitude de lignes. Je suis faiseuse de lignes, et produis beaucoup de dessins vectoriels. Ce sont des datas, et non des images. L’imprimante fonctionne selon un processus sauvage et vivant. Je travaille avec un long temps d’incubation, tout en me confrontant à la rapidité technologique. L’enjeu est là, de montrer que c’est possible.

 

Catherine Callico

 

l’expo de l’iselp finit le 24/12

 

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