Dewar & Gicquel, l’hommage non assumé à Rodin

Dewar & Gicquel : Architecture, 230 x 206 x 148 cm, béton, 2014. Courtesy galerie Loevenbruck, Paris, et Truth and consequences, Genève – photo musee Rodin, Paris (Lola Pertsowsky).

Dans les jardins du Musée Rodin à Paris, Dewar & Gicquel installent Ieurs sculptures en béton moulé. Jusque là, ils ont habilement manipulé une certaines iconographie contemporaine trempée de tunning, de pêche et de traditions populaires. Des sculptures toujours « faites main », souvent hyperréalistes et un univers malicieux dans lequel on trouve pèle-mêle, assemblages improbables, changements d’échelles et décadrages référenciels.

Ils ont exploré le modelage, la pierre taillée, le bois, la céramique ou la tapisserie tout en menant une réflexion sur la pratique de la sculpture et sur les différents régimes d’images circulant dans le champs de l’art contemporain. Récemment, ils ont même tiré avantage d’un format d’image pauvre datant de l’internet de première génération, le GIF animé, une sorte d’extension du champ de la sculpture. Au Musée Rodin, rien de tel. D’une part l’humour est moins corrosif et l’on assiste comme à un retour aux fondements de la sculpture. Un retour au calme qui n’est pas sans poser un certain nombres de questions.

À l’entrée des jardins, non loin d’une maquette en bronze de la Porte de l’enfer de Rodin, Architecture est constituée de trois grandes paires de jambes simulant des colonnes. Deux blocs en béton moulé, assemblés et posés l’un sur l’autre. En leur milieu la jointure naturelle très visible est assumée comme telle. De même pour les joints entre les différente parties moulées de Pied, un pied énorme ou La mode, le bas dénudé d’un corps d’homme chaussé d’une paire de chaussures Derby. Buste est principalement constituée d’un immense pull à grosses côtes de mailles porté par un homme (on pense à Rodin, dans la fin de sa vie) et Allégorie agrémente l’arrière du parc près du bassin : un évier et un lavabo en simulacres de fontaines.

C’est donc par le modelage de gros blocs de terre, servant à faire les moules pour couler ensuite du béton que le duo d’artistes franco-britannique répond à l’invitation du Musée. Une technique alors utilisée par Rodin pour réaliser des bronzes. L’aspect non finito semble vouloir créer un écho en référence à l’artiste historique mais bien faible car il est contrecarré  par la facture néoclassique qui les met plutôt en phase avec le jardin, ses végétaux contraints et ses courbes parfaitement géométriques. Iconiquement, elles relèvent bien de l’univers du duo – une sorte de « commune étrangeté » s’en dégage et c’est là l’un des points forts de l’exposition La jeune sculpture.

Mais La Jeune sculpture laisse comme une impression de non finito justement. Pas dans la matière mais dans les intentions. Cette nouvelle série ne produit ni hommage véritable à Rodin, ni discours critique. Le titre fait pourtant référence au salon du même nom organisé ici entre la fin de la seconde guerre mondiale et les années 50. Une référence puisque  cet événement a joué un rôle important dans la constitution du goût et des carrières artistiques  à l’époque.

On aurait pu attendre plus d’agressivité conceptuelle dans l’intervention de deux jeunes sculpteurs qui ont finalement fait un hommage confus en se cachant derrière une démarche d’ordre critique. L’ambition a sans doute été prise un peu à la légère et aurait nécessité une étude plus approfondie de l’histoire de ce salon.

Fabien Pinaroli

> 26.10.14
Musée Rodin

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