Délits culturels à domicile : « Cultures Maison »

Délits culturels à domicile :

« Cultures Maison » à Bruxelles ce weekend !

DU 09/09/2016 AU 11/09/2016

 

« Cultures Maison » est un festival dédié aux structures d’édition et de diffusion de bande dessinée de création et d’œuvres graphiques et narratives ; depuis 2010 le festival se tient une fois par an à la Maison des Cultures de Saint-Gilles, à Bruxelles ; et pendant trois jours « Cultures Maison » accueille une cinquantaine d’éditeurs, auteurs et artistes, belges et internationaux de la scène alternative dans le but de les promouvoir, de les soutenir et de diffuser leurs ouvrages.

 

Annabelle Dupret: Pourriez-vous présenter un à un le projet et la part que chacun de vous y joue ? Par ailleurs, pourriez-vous aussi expliquer le fonctionnement de votre organisation ? Est-elle structurée par chacun de vous de manière pyramidale, ou agissez-vous dans l’ombre pour rassembler et fédérer toutes les structures éditoriales présentes ? Suky, peux-tu m’expliquer comment se sont présentées les expositions ? Je suppose que vous aviez des attentes particulières vis-à-vis des auteurs, et que vous les avez orientés pour qu’ils présentent au festival certaines choses particulières ? Qui sont ces auteurs ? Comment s’élabore votre choix particulier et les expositions que vous proposez ?

Suky Deprez : Je m’occupe des expositions, de leur programmation. J’accompagne donc les auteurs cette année dans la mise en place de leurs expositions. Ils n’ont pas une carte blanche totale, mais presque…

Annabelle Dupret : Très bien. Cela dit, ce qui vous a guidé, ce sont aussi les affinités graphiques que vous aviez avec ces auteurs ?

Cyril Elophe : Oui, exactement. Il y a un désir de programmation qui est lié à une actualité éditoriale et plastique ou graphique, qui est fait en fonction de la sensibilité de Suky. On n’essaye pas du tout d’être universel ou d’avoir une représentativité de tout ce qui se fait.

Suky Deprez : Si j’ai choisi DoubleBob, c’est parce que j’aime beaucoup son travail. Bien sûr, je programme, mais on en discute ensuite après en équipe… L’année passée, on avait fait une exposition qui s’appelait « Bal de promo ». Elle se présentait autour de dix albums de maisons d’édition belge. Et cette année, je ne voulais pas faire une redite. Donc, j’ai cherché un autre axe. Et celui-ci s’est articulé autour de l’exposition principale. En fait, je suis alors partie de cette question : « Qu’est-ce que la bande Dessinée, pour moi ? ». C’était donc en effet très subjectif au départ. Je suis alors plus partie vers le travail d’auteurs que je trouvais singuliers en bande dessinée, mais pour lesquels je n’avais pas toutes les clés. J’avais beaucoup d’interrogations à leur sujet et je voulais donc aller voir plus loin… C’est comme cela que j’ai sélectionné des auteurs comme Robert Varlez, Manuel, J. & E. LeGlatin, et WREK. Puisque nous nous situions dans une programmation d’expositions, il s’agissait pour moi de voir comment ils réinvestissaient l’espace. Comment ils transposaient leur travail d’auteur de bande dessinée en exposition. Comment ils passaient du livre à l’exposition. Thomas Gilbert, cela fait un petit temps que je suivais son activité. Ce qui m’intéressait, c’est qu’aujourd’hui, il publie dans des grosses boîtes d’édition, mais parallèlement, il continue à publier chez « Vide Cocagne », et il fait aussi de l’autoédition. La majorité des auteurs qui exposent cette année ont cela en commun. Ce sont tous de gros bosseurs, ils ont un côté obsessionnel au niveau de leur travail et de leur production, mais ils sont aussi parallèlement dans l’auto production. Comme chez Thomas Gilbert, il a aussi cette particularité-là, il continue à faire de l’autoédition. Donc, j’avais vraiment envie qu’on puisse aller voir plus loin que la première idée qu’on se fait de ces auteurs.

Annabelle Dupret : Cyril, peux-tu expliquer comment la structure de Cultures Maison s’est mise en place au départ. Comment se sont faits les premiers partenariats ? Pourrais-tu en faire un petit historique ?

Cyril Elophe : En 2009, je faisais partie d’un collectif qui s’appelait « tête à tête ». On a fait une exposition ici, à la « Maison des Cultures de Saint Gilles », et ça s’est très bien déroulé. Or le Service de la Culture de Saint Gilles était très demandeur, et souhaitait qu’on refasse d’autres événements. C’est à ce moment qu’on leur a demandé de mettre sur pieds un festival de bande dessinée qui soit au service des éditeurs indépendants. Car on partait du constat qu’il y avait très peu de lieux de diffusion, de distribution et de promotion pour ceux-ci. On peut bien sûr discuter le terme « indépendants », mais au fond, partons plutôt du principe que l’on comprend tous l’idée ! Donc, notre premier partenaire, ça a été le Service de la Culture. Peu à peu, d’autres personnes ont rejoint le projet, comme Francesco Defourny, qui avait déjà initié beaucoup de choses sur cette voie-là. Suky Deprez, et Jérôme Puigros-Puigener et Dennis Marien (promotion et graphisme) ont ensuite aussi rejoint le projet. La première année, nous n’occupions qu’une seule salle, qui est aujourd’hui consacrée aux expositions collectives. Puis, peu à peu, on a pu rechercher plus de soutiens, étant donné que l’événement était démocratique et culturel. Tout y est gratuit. C’est gratuit pour les éditeurs, et c’est gratuit pour le public !

Annabelle Dupret : Jérôme, pourrais-tu expliquer comment se structure l’organisation des débats et des tables rondes ? Avais-tu des intentions préalables, des idées, des nécessités ?

Jérôme Puigros-Puigener : En fait, les sujets des conférences ont émergé de discussions qu’on avait plutôt pendant les réunions. Certains d’entre nous pensaient à telle ou telle personne, à l’intérêt de les faire intervenir. C’est comme cela par exemple que l’année passée, nous sommes allés vers l’ACME, ce groupe de chercheurs Liégeois. Cette année-là, ils ont proposé cette idée d’interroger la bande dessinée « abstraite ». Cette année, c’est un peu différent, parce que l’exposition principale, comme le disait Suky, est consacrée à des auteurs au regard particulier. Et comme on voulait s’interroger sur leur regard propre, on s’est dit que ce seraient les auteurs eux-mêmes qui interviendraient le dimanche sur la scène du débat. Ce sera Philippe Capart, de la « Crypte Tonique », qui va mener la barque de cette rencontre, en essayant, pour le dire avec humour, de leur « tirer les vers du nez » ! Autrement dit, il s’agira de tenter de formuler avec eux ce qu’ils veulent exprimer à travers leurs bandes dessinées. L’autre conférence rencontre sera fort différente. Les invités représenteront l’abdil ®, qui est une association ou « fédération » d’auteurs et d’autrices de bande dessinée qui est en train de se mettre en place pour militer et défendre le statut des auteurs. Et comme leur projet est « tout frais tout neuf », c’est l’occasion de les éclairer, de leur donner une occasion de plus de rencontrer auteurs et autrices de bande dessinée et d’illustration, et de faire d’autres rencontres qui peuvent contribuer au projet.

Annabelle Dupret : Pensez-vous que ce soit propre au milieu de la bande dessinée « indépendante », de cultiver cette réflexivité autour de son médium ? Il y a quelques années, les Éditions de « L’Association » avaient publié une série de réflexions sur le médium (la bande dessinée indépendante), et sur les limites des standards de production, à travers sa Collection « L’Éprouvette »…

Jérôme Puigros-Puigener : Déjà, il y a cette représentation indémontable que la bande dessinée, c’est un médium qui est fait uniquement pour les gosses… C’est la première chose contre laquelle on se bat ! Cette réflexivité est présente au sein du milieu, mais je crois que ça ne se confine pas à lui, ça s’ouvre de plus en plus…

Annabelle Dupret : Tout à fait. D’ailleurs, la particularité du festival « Cultures Maison » c’est d’offrir une porosité par rapport au quartier, par rapport à Bruxelles, et par rapport à tout le public qui peut venir.

Cyril Elophe : L’idée, c’est toujours celle de la rencontre, on veut être accessible dans les moyens. Par contre sur le fonds et la forme, on ne veut pas faire de concessions. On ne veut pas réduire les choses à un principe réducteur, simplificateur ou didactique, sous prétexte que ça doit être accessible. L’accessibilité, on la pense autrement. On part du principe que le public a la faculté d’être curieux et d’accéder assez spontanément à ce qui l’intéresse. Le public a la possibilité d’y adhérer et de le comprendre (car il n’y a rien de si hermétique que ça) à partir du moment où il a la possibilité d’y toucher. C’est là qu’il se passe quelque chose. Nous, on a la volonté de proposer un festival de qualité, avec des rencontres et des débats qu’on estime, qui plus est, avec une ouverture au public qui lui permet d’y accéder et d’y participer très simplement et très librement.

Cyril Elophe : Par exemple, par rapport à ce principe d’accessibilité, il y a quelque chose de très simple, c’est que, dans les festivals, il peut y avoir des rencontres avec des auteurs pointus, des gens qui ont un regard un peu plus aiguisé, ou un peu plus personnel sur le médium. Mais souvent, dans certains cadres de festivals, ça va se retrouver à des heures pas possibles ou dans une toute petite salle à l’écart, alors que ce qui sera jugé plus accessible sera mis en valeur. Nous, on part de principes complètement inverses ! « Cultures Maison », a toujours été basé sur l’idée de donner la place aux gens.

Annabelle Dupret : Francesco, peux-tu expliquer comment se passe aujourd’hui cette forme de ramification d’éditeurs, de rassemblement ? Est-ce les éditeurs qui viennent vers vous et qui vous proposent d’être présents ?

Francesco Defourny : Pas uniquement. On essaye d’avoir un regard sur tout ce qui se passe. Autant via les réseaux internet (mais personnellement, cette année, j’en avais un petit peu marre de cette voie-là). Cette année, ce qui m’a fort stimulé, c’était de me recentrer sur les éditeurs belges. C’est-à-dire chercher un peu moins les éditeurs à l’étranger. Et puis surtout, il s’agissait pour moi de venir vers les éditeurs « actifs ». C’est-à-dire ceux qui faisaient eux-mêmes des micro-événements, qui avaient une activité. Et finalement, il y a des discussions qui se font à travers les réunions de Cultures Maison, et qui mènent à des ouvertures. Par exemple, quand Suky a proposé ce questionnement sur la narration, je ne l’ai pas tout de suite suivie. Pourtant, j’étais aussi dans ce questionnement. Les plateaux de chacun se répondent petit à petit, mais on ne sera jamais dans un rapport d’ingérence, les uns vis-à-vis des autres. Chaque plateau est autonome, mais en même temps, on est dans un rapport d’écoute et de composition. Il y a à la fois ce dialogue, et en même temps ce retrait de chacun, qui nous permet de rester dans la ligne qu’on s’est donnée. Et aujourd’hui, on peut dire que cette dimension de narration a également touché le plateau des éditeurs, car il y a toujours beaucoup de choses, mais la dimension du récit a refait surface au sein des éditeurs présents. Par le graphisme, mais aussi par l’objet publié (c’est-à-dire par exemple le pliage etc.). Ce sont beaucoup d’interrogations sur les filiations qui mènent au choix final des éditeurs exposants. Cela peut être un éditeur qui a collaboré avec un auteur exposant etc. Cette année, on passe de 60 à 45 éditeurs. On a réduit cela volontairement. Et on s’est donné comme ligne que sur les 45, il y en avait automatiquement 10 nouveaux qui entraient. Ce qui permet que l’on renouvelle le plateau chaque année. On essaye de faire venir des éditeurs qui ont produit pendant l’année. Pour pouvoir découvrir de nouvelles choses. Ce qui est intéressant, c’est que Cultures Maison a fait naître je pense des petites structures de maisons d’édition. Et dès lors, ayant fait partie du public l’année précédente, l’année suivante, ils souhaitent faire partie des exposants. Bruxelles est très propice à cela pour le moment. C’est plus Berlin, c’est Bruxelles ! Il y a cinq six ans, beaucoup d’auteurs allaient s’installer à Berlin. Et ça se concurrençait entre Berlin et Bruxelles… Et aujourd’hui, il y a véritablement un paysage qui s’installe à Bruxelles.

Jérôme Puigros-Puigener : À chaque édition, on conclut le festival avec une projection. L’année passée, c’était une carte blanche offerte à Zorobabel. Et cette année, on a décidé de revenir sur des animations beaucoup plus ancestrales, qui ont permis toute une évolution du dessin animé, qui ont été une source inestimable pour Tex Avery. Ce sont les films d’animation des Frères Fleischer. C’est véritablement une source historique. Cela pour dire que tout ce que l’on fait aujourd’hui en bande dessinée ou en dessin animé, ça vient de quelque part. Et dès lors, que l’on peut regarder les Frères Fleischer avec un intérêt encore plus ample, sur le plan de leur inventivité par exemple.

Annabelle Dupret : Votre approche est prospective, et elle invite aussi à des retours aux sources…

Jérôme Puigros-Puigener : Tout le monde a vu des Tex Avery, mais est-ce que tout le monde a vu des Fleischer ? Ce n’est pas sûr !

 

CULTURES MAISON

DU 09/09/2016 AU 11/09/2016

Maison des Cultures de Saint Gilles

120, rue de Belgrade, 1060 Saint Gilles

Bruxelles

www.culturesmaison.be

Gratuit

 

EXPOSITIONS
DU 09/09/2016 AU 18/09/2016

Fermées le lundi 12/09/2016.
Permanences du 13 au 16/09 de 13h00 à 16h30.
Permanences les 17 et 18/09 de 14h00 à 18h00.

info@culturesmaison.be

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