Confrontations en duo et à l’unisson

Impression numérique par Chawa © FN.MV

Profitant de la conjoncture tournaisienne de l’Art dans la Ville et de la thématique du nœud d’Octobre rose, le MuFIm poursuit sa rénovation dynamique de réunir passé et présent.

D’une part, une série d’artistes se sont ligués pour créer des variations sur le thème de la solidarité via le nœud des combattants du cancer du sein et un duo régional a confronté ses créations dans des techniques différentes au sein des objets traditionnels du quotidien d’autrefois.

Nœuds solidaires.

Dans une gamme de roses, Sarah Simone a recréé une sorte de ronde enfantine en faisant se croiser des pulls miniatures qui fait pendant à un amalgame de tricots en forme de cœur anonymes signé par un collectif étudiant. Marie-Line Debliquy met sous globes des enchevêtrements textiles lovés sur eux-mêmes. Cathy Philippe concocte des agglomérats d’apparence organique.

Une sculpture de Jean-Paul Bol inscrit son orbe unificateur à l’orée d’une symbolique déchirure métallique. Zora Guilbert échafaude une texture de vergettes qui accueillent parfois un verre de vitrail sur un ensemble d’espace troué ouvert. Union chez Christian Rolet d’un collier et d’une masse malléable, compatibilité entre matière compacte et fluidité souple. Pascale Loiseau dompte ses tissages métalliques en mailles serrées. Pour Annie Brasseur, un cercle brisé, tordu jusqu’à évoquer la silhouette symbolique d’un cœur tandis que deux lances fichées le transpercent. Les terres cuites de Sophie Ronse densifient des territoires cloisonnés sur archipel aligné. Le collage-objets permet à Isabelle Jeudy de relier ici-bas et au-delà, vie et mort.

Parmi les dessins de Véronique Poppe, les tresses de deux jeunes filles sont les nœuds qui enserrent le corps d’une gisante ; puis ce sont les mains dans un médaillon où sont face à face jeunesse et vieillesse. Avec son complice Christian Rolet, une main fait écho à un visage.  L’anecdote du nœud gordien permet à Sylvanie Laghe d’emprunter au passé un croquis d’aujourd’hui. Alain Winance a écrit un gros plan de nœud qui semble hésiter entre s’ouvrir ou se serrer, délivrer ou enfermer. L’impression numérique de Chawa a des velléités de tentacules. Les traces peintes par Van Haelmeersch servent de faire valoir à une esquisse ovale. Quant à Manu Bayon, lui qui répare les dégâts urbains, il est intervenu sur un manuel ancien y teintant de rouge un nœud de chirurgien.

Anne-Sophie Costenoble métamorphose en nœud une tige végétale qui débouche sur le dôme d’une méduse, signal hybride où s’allient le végétal et l’océanique. Nicolas Clément a photographié un dense réseau qui appartient autant à d’envahissantes plantes qu’à des trajets météores intergalactiques. Le regard dardé vers un invisible ciel, la femme saisie par l’objectif de Spricigo entrelace ses bras sur la fécondité de son ventre. En écho, le nu en noir et blanc de Sébastian Poliart protège ou caresse de ses bras ornés de breloques un pubis et une poitrine, alors que, insecte coloré bardé de bijoux, une main étrangère se tapit dans un coin. Et comme pour conclure, Elodie Moreau encadre ce O et ce E qui, en français, se soudent en une seule lettre Œ alors que Sei Arimori dans une simplicité similaire avait résumé le thème de cette expo par une ligne en feuille d’or au centre d’un monochrome noir et un autre blanc.

Création en duo

Virginie Stricanne “Cathédrale” © MV.FN

Virginie Stricanne a longtemps exploré en peinture des motifs liés au légendaire, à la fois historiques et symboliques. Il en reste ici quelques traces comme cette monumentale cathédrale tournaisienne reléguée dans une brume composée de coulées picturales évoquant aussi bien la pluie familière à la Wallonie picarde que les traces défigurantes d’événements du passé ayant marqué les pierres au point de les assombrir. À travers elles, une lueur oblique qui jaillit d’on ne sait quel espace galactique. L’apparent réalisme de la forme se déplace alors vers des dimensions fantastiques voire allégoriques, tel le sol servant d’assise sanglante à ce témoin architectural.

On retrouve cette atmosphère dans un  paysage onirique de moyen format. C’est un lac ou un cratère d’où s’élèvent des vapeurs délétères sous un horizon spatial traversé de rayons, lieu de surgissement d’un monde ou d’enfouissement d’un avenir. Mais ces autres créations quittent les deux dimensions de la toile pour s’aventurer dans les trois de la sculpture.

En guise de transition, une tête de mort percée de part en part par une flèche d’or et entourée d’insectes jaunes qui seraient cousins des abeilles emblématiques des Mérovingiens. Ensuite voici de petits personnages blancs, en pâte à modelée cuite, ce sont d’abord, sous cloche de verre comme ces statuettes sacrées exposées jadis dans l’intimité des demeures catholiques, des personnages religieux subtilement ironiques dont l’immaculé corporel se macule d’une tache rouge vif, souillure ou ustensiles dérisoires, flirtant de la sorte avec le sacrilège. Ce sera aussi une princesse de conte en son cercueil de verre, au cœur recousu de fil pourpre, détentrice d’une boule de verre à neige sans doute magique.

Avec ses créations en treillis métalliques, Pascale Loiseau, bien que plus proche de l’abstraction, est en adéquation avec cet univers décalé de sa consœur. Ses petits bijoux hirsutes se présentent en crâne, couronne royale, pomme mordue, feuille d’érable, cheval galopant en apesanteur…, toutes allusions à des mythologies anciennes.

Ses treillis suspendus, tapisseries métalliques plutôt que lainières, sont parcourus de blessures, on les dirait écorchés, de vols satellitaires, de stridences polychromes quelquefois prêtes à s’échapper via une déchirure ou prendre un air de vitrail. Des assemblages dorés à réminiscence de crinolines tricotées à grandes mailles dorées viennent habiller des statuettes traditionnelles. De longs pans accrochés au plafond dressent des paravents translucides, avatars des voilettes surannées de naguère. Une part de rêve née de l’apparente froideur du métal.

Michel Voiturier

« Octobre rose et le nœud de la solidarité » et « Conversation à 3 avec le MuFIm » au Musée de Folklore et des Imaginaires à Tournai jusqu’au 31 octobre 2022. Infos : 069 59 08 20 ou https://mufim.tournai.be/le-musee/

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