Fin de parcours pour Francis Schmetz

C’est une bien triste nouvelle: Francis Schmetz vient de nous quitter, il est mort le 8 décembre dans sa cuisine, rue Trappé à Liège. Ironie du sort dans le même lieu où il a pratiquement débuté sa carrière d’artiste. C’était en 1986, la galerie s’appelait la Galerie L’A et il y montrait ses travaux accompagnés d’un autre artiste, Jean-George Massart.
Je ne croiserai plus sa longue silhouette, son front soucieux, perdu dans ses pensées, sa tête légèrement inclinée surmontée de son éternel bonnet carré en laine. J’aimais sa gravité et ses joies pures souvent clairsemées d’éclats de rires contagieux. il aimait la vie et l’art, les deux étaient indissociables chez lui. Il va manquer dans le paysage local. 

Francis Schmetz (né en 1957) était un poète qui s’exprimait avant tout par le dessin. (1) Il aimait rassembler ses productions comme une suite de fragments. Il les faisait jouer en résonnance dans des jeux relationnels. Dans son oeuvre de facture expressionniste, on retrouve d’une manière récurrente des zones d’influences marquées par la philosophie zen, la recherche de pureté, la simplicité calligraphique, avec en toile de fond l’ombre tutélaire de Joseph Beuys. Son oeuvre (textes, dessins, lectures actions, vidéo) se teinte d’un fort accent de spiritualité. Originaire des Cantons de l’Est, il démarre son parcours du côté d’Aachen (première expo à la galerie Monochrome en 1985), pour s’étendre plus tard vers l’IKOB et d’autres galeries frontalières. Il a fait partie de l’aventure des Brasseurs en participant à de nombreuses expositions collectives, ainsi que du côté du Centre culturel de Marchin, il a également participé à Speelhoven97, et beaucoup d’autres. (2)
Lors des deux expositions à la galerie Flux, j’ai pu mesurer le degré de sincérité de sa démarche d’artiste. La première expo s’est tenue en 1997; c’était avec Delphine Noels, l’expo s’appelait «Carnets de voyage». La deuxième s’est déroulée dix ans plus tard en 2017, «Sithonia» avec Claire Lavandhomme. Une série de lectures actions dévoilant la richesse de son langage corporel avaient ponctués cette présentation.  (3)
Dans une de ses dernières expositions, à Berne à la Galerie DuflonRacz, il avait tenu à faire débuter un long texte écrit à la craie blanche sur le sol par une phrase d’Héraclite: « Tout être se trouve dans le courant de l’apparition et de la disparition ».
Lors d’une rencontre à l’Ikob, il m’avait confié : «il n’y a pas de création sans disparition et il n’y a pas de disparition sans création, c’est comme les deux faces d’une même médaille. Je m’intéresse fort à la philosophie zen. Pour moi le moment présent n’est pas hors du temps, mais si le présent est vécu pleinement, il ne subit pas les causes et les effets du passé et du futur.»
L’humour teinté de poésie était également présent dans son parcours d’artiste. Le concept de «geste inutile» qu’il avait inauguré lors d’une expo à Valence en Espagne était régulièrement réactivé avec ses amis. Le meilleur hommage que nous puissions lui rendre est de continuer ce jeu en sa mémoire.

Lino Polegato

Une messe aura lieu le mardi 13 déc. à 9H30, rue Ste Walburge 168

(1) Lors de sa dernière exposition à la Galerie Détours, (sept – oct 2022) Francis Schmetz avait écrit ce texte pour le site.
Le dessin est pour moi une activité quotidienne, comme manger ou dormir.
Il a son propre langage. Il trace, se trace. Il est rythme, ouvre, ferme, creuse, tremble, s’envole …Il est instantané (sans artifice), sans repentir.
La ligne plastique anime un espace, indique des lieux, des directions, dévoile un temps.
Le corps de la ligne peut être tendu-ondulé-tendre-violent-souffle…
Il faut lire le dessin. C’est un voyage, prolongé par le regard de l’autre et c’est ainsi que s’opère un échange de projection, de réception, la résonance d’une présence devenue visible, réelle.
Le dessin reste pour moi un fragment qui appelle un autre. Ainsi naissent des assemblages, des collages, des relations de ce qui unit et de ce qui s’oppose.

(2) Art-info.be. Biographie intégrale publiée par Marc renwart et Florence Fréson

(3)https://youtu.be/X2Ai5WLq5_Q

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