My body is a cage, titre éponyme d’une chanson d’Arcade Fire et de l’exposition estivale du Mac’s, présente des oeuvres choisies au sein du (mac)musée d’art contemporain de Marseille. Où il est question d’enfermement, de retranchement, de douleur, mais aussi d’ exutoire, d’essai de libération par la parole ou le mouvement. Autour de 4 thématiques: l’anatomie, le masque, la danse et la posture. “Avec cette phrase, on est face à toute une série d’échos; le corps dans sa relation au désir et à l’esprit, le corps en tant que lieu d’un rapport de force avec le monde, la contrainte d’en être le locataire, la confrontation face à son propre corps et face aux autres corps, biologiques ou physiques”, résume Denis Gielen, commissaire.
Le corps anatomique, scruté, exploré par la science et l’histoire de l’art, dessiné en tout ou en partie, est également un corps habité, transcendé, extrapolé dans ses limites. Outil d’expression de nos ressentis, émotions, désirs, frustrations. Dans son empreinte de paupières Palpebra, dessinée à partir d’un échantillon de sa peau agrandi et projeté au mur, Giuseppe Penone réfère à la relation de l’homme à la nature, et à la cécité, rejoignant Platon qui affirme que la réalité n’est pas sous nos yeux, mais dans l’introspection. Jef Geys, lui, propose dans son oeuvre autobiographique un regard sur la banalité et les choses de son quotidien. Dans la première salle de l’exposition, comme une réponse au sobre Nu de la Belle-de-mai de César, sa Poupée Barça Milan lui oppose une silhouette colorée de type Bauhaus, qui renvoie aux figurines de babyfoot et aux maillots rayés des clubs des années 90, mais aussi à l’univers de l’artiste et chorégraphe Oskar Schlemmer.
Sous le fard
Fardé, maquillé, masqué… Le visage tire sa force des expressions affichées, d’un statut social ou culturel assumé, revendiqué même. Au travers des autoportraits de Nan Goldin dans la vidéo The Other Side (1972-1990) tournée dans des boîtes de dragqueens, on suit également l’ évolution de la culture musicale dans le milieu trans sur cette période. Dans celle d’Absalon (Eshel Meir), l’artiste est seul face à l’objectif, vêtu d’une chemise blanche sur fond blanc. Ses cris de détresse, car il se sait condamné par le Sida, enferment les autres oeuvres de la pièce -l’hommage à Freud de Michel Journiac, l’Autoportrait de Dieter Appelt ou encore la lithographie Au fond d’Edward Paschke – dans une brume sonore. Le tragique se retrouve encore dans des images de reconstitution imaginaire de l’attaque du théâtre de la Doubrovka à Moscou par des terroristes tchéchènes en 2002 par Catherine Sullivan, qui revisite les codes théâtraux et plastiques dans une approche anthropologique.
Danse de l’absurde
Libérant le corps, le mouvement, la danse renvoie aussi paradoxalement à l’enfermement de l’être, à l’absurdité de la condition humaine, et au mythe de Sisyphe. Telle est l’essence de la captation vidéo de la performance Sisyphe III de Jana Sterbak. Un danseur tente de garder l’équilibre au centre de la cage sphérique où il est emprisonné, dans un mouvement continu et vain. Bruce Nauman lui, se filme dans un coin de son atelier, espace expérimental en soi, où une heure durant il se laisse tomber puis rebondir, estompant tout repère espace ou temps. On est ici dans une autre temporalité, via des détails comme les bords écornés de l’image et le bruit d’un appareil cinématographique.
Titillant les codes de représentation de la femme dans les médias, Michèle Sylvander questionne l’identité à partir de son propre corps: le genre, le rapport au temps, aux autres… Dans la vidéo Somnolence, à l’atmosphère anxiogène et étouffante, l’artiste git dans un cube rempli d’eau, le visage masqué, tantôt mi-nue tantôt vêtue d’un costume de cuir noir.
Le rapport au monde
La dernière section de l’exposition, basée sur la Posture et notre rapport au monde selon que l’on se trouve assis, couché ou debout, regroupe des installations interpellantes. Celles de Lionel Scoccimaro, d’abord, dont les sculptures hyperréalistes puisent dans les codes esthétiques de la pop culture américaine. Faire l’autruche serait une attitude répandue. La Femelle/ Le Mâle met ainsi en scène deux personnages qui se voilent la face: la femme sous un tapis, l’homme dans un mur. L’artiste y fait allusion à une génération d’’adulescents’ frileux face au statut d’adulte et à ses responsabilités.
Entre les deux, une installation de Wendy Jacob. Deux corps endormis sous une couverture, évoqués par un moteur simulant la respiration, renvoient à l’anonymat urbain des sans-abris.
Tandis qu’au centre de la salle et isolée enttre quatre parois, une Dummie de Tony Oursler, poupée en tissu sur lesquelles sont projetées des images vidéos de visages, est coincée sous un canapé, donnant un peu plus d’étrangeté à l’ensemble, et générant le malaise: le personnage déverse un flot de paroles et s’adresse au visiteur, tel un appel à l’aide.
Autre oeuvre forte, A Stone Asleep in Bed at Home de l’artiste cherokee Jimmie Durham. Dans la culture indienne, tout ce qui est lié au mode de vie sédentaire est détruit. Avec une pierre, matériau de base de son oeuvre qu’il aborde comme sculpture en soi, Durham écrase ici un lit. La masse du monolithe gris, qui contraste avec la blancheur des draps et le bois vernis de la structure, renforce la sensation de sommeil lourd. Et de la fragilité du corps humain, cette fois absent.
Catherine Callico
My body is a cage, jusqu’au 25/09, www.mac-s.be
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