Quand l’art engloutit Damme

Installation de Camille Dufour à Damme

Le « Stadsfestival » de Damme a envahi la petite ville folklorique de Flandre-Occidentale. On y retrouve un bon nombre d’artistes belges dans un parcours riche et subtil. Au rendez-vous : Berlinde de Bruyckere, Charles Szymkowicz, Michaël Borremans…

« Les rivières les plus poissonneuses ne sont pas celles où il y a le plus d’eau », écrivait en 1867 Charles De Coster dans le premier chef-d’œuvre « belge », La légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandre et ailleurs. À en croire certains critiques, l’art européen s’expose à Londres, Berlin, Paris, Venise… ou n’est pas. Mais parfois des villes plus petites font exception à la « règle ». À Damme, ville d’Ulenspiegel, entre Bruges et la côte belge, des dizaines d’artistes contemporains se sont donné rendez-vous le temps d’une exposition digne d’un grand musée.

Cette seconde édition du « Stadsfestival » prend place dans trois lieux atypiques :  une vieille école, un ancien hôpital et la belle église de Damme. Ces lieux de vie ouvrent le champ des possibles et offrent des ambiances fondamentalement différentes.

Sublime délabrement contemporain

Dans l’ancien hôpital de Damme, chaque chambre est un univers. Dans le grand couloir délabré, on s’arrêtera surtout dans le sanctuaire dédié au « coussin ». Deux toiles inspirantes des Belges Jozef Constant et Mariek Vanbuel évoquent, dans un esprit très Tuymans, ces textiles blancs sur lesquels naissent les rêves. En face, d’autres installations jouent sur les contrastes de cet objet quotidien. Benjamin Sabatier signe notamment un coussin de béton sur lequel se trouve une lourde pierre.

Dans l’école transformée en salle d’exposition, la Belge Camille Dufour, lauréate du Prix de la gravure et de l’image imprimée du Centre de la Gravure de La Louvière, monopolise tout l’espace avec une de ses installations singulières. Elle nous offre une réflexion sensible sur la gravure et le procédé de reproduction. Loin des illusions mimétiques et des « effets de réel », la gravure se dévoile dans ce qu’elle a de plus technique. De la page blanche à l’œuvre d’art. À côté de Camille Dufour, dans un tout autre registre, son compatriote Michaël Borremans présente « The past and the future », un tableau expressionniste sur la pourriture des dents et la phobie viscérale de la décrépitude.

A home is not a hole (Didier Faustino)

Le parcours se poursuit dans l’église de Damme, à l’ombre d’une tour colossale. Nous ne sommes plus surpris de voir des artistes contemporains dans les églises de Flandre. Mais les résultats sont toujours surprenants. Dans Onze-Lieve-Vrouw-Hemelvaartkerk, le thème de la mort plane comme une odeur d’encens. Le Belge Johan Six aborde la dégradation physique : il a enterré plusieurs livres identiques et expose les différentes étapes de la décomposition. Le Français Didier Faustino apporte quant à lui la lumière dans cet édifice austère grâce à une installation solaire « A home is not a hole », véritable éloge du vide et de la vacuité.

On retiendra également les images énigmatiques et corporelles de Berlinde De Bruyckere. Tout comme l’installation apocalyptique du Belge Matthias De Wolf : des singes d’argile semant le chaos dans un décor de supermarché. Très « Planète des singes ».

Romain Masquelier

Du 14 septembre 2019 au 08 décembre 2019

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