Ce 18 décembre 2020 s’est ouverte l’exposition rétrospective de Johan Muyle au MACS.
Et chaque 18 décembre se fête en Orient St Sébastien, ce martyr attaché à un poteau et criblé de flèches, souvent représenté en peinture et en sculpture. Tel un miraculé le saint, devenu patron des Archers, survécut à ce premier supplice. Il est par ailleurs invoqué pour lutter contre la peste et les épidémies en général… Pourquoi tant parler de ce « héros » en préambule de cet article sur l’exposition de Johan Muyle ? C’est que la flèche ouvre le parcours des œuvres et que l’ultime pièce fermant l’itinéraire représente un buste argenté percé de flèches dorées, et tournant sur lui-même dans une maisonnette de verre. Outre la symbolique de l’amour, ces appels à la flèche peuvent aussi être lus comme des ponts divins vers le destin, bien incertain en nos temps troublés. « E pericoloso sporgersi »[1] était d’ailleurs inscrit en lettres rouges sur le buste du couple d’indiens cuirassé de noir de la tête aux pieds, accueillant le groupe de journalistes présents ce 18 décembre aux portes du Musée du Grand-Hornu. A l’entrée et à la sortie, la protection version simili cuir ou parois de verre englobe les sujets. Englober les sujets ne sont pas de vains termes quand il s’agit de parler du travail de Johan Muyle qui, en une seule œuvre regroupant des objets d’apparence hétéroclite, nous fait parcourir le globe activant notre appareil à penser et à associer en une joyeuse sarabande. Pourtant l’heure est grave et les heures passées l’ont tout autant été. La magie des pièces de l’artiste fonctionne grâce à de minutieux mélanges poético-politiques qu’il métisse depuis des décennies pour dénoncer les barbaries de notre monde. Ainsi va doucement ce squelette voluptueusement déhanché, arborant la tête de l’artiste coiffée d’un abat-jour tamisant la triple aurore monothéiste nous abordant pour nous soumettre à la question : y a t-il une vie possible avant la mort ? Au sein des larmes coulant à flots, des pluies de sang camouflées par le grand bruit du show-biz, des rideaux donnant l’envie de tirer au clair la mort d’un dictateur, d’un imposant rhinocéros mutilé se cognant dans l’arène impitoyable du système des pouvoirs enchâssés, de nombreuses boîtes à os, de corps à œufs, de boîte à femme vivante glissant ces mots lancinants écrits en lettres d’or : « Il est dangereux de se pencher au dehors… » Toutes les pièces réalisées entre les années 1980 et les années 2020 provoquent avec justesse et résonnent depuis leur écho originel vers notre pandémie actuelle. Ce lent cheminement intérieur où nous invite Johan Muyle contraste avec le bombardement du flux d’images et d’informations qui nous transpercent quotidiennement et nous font « tourner sot » dans nos chaumières calfeutrées. Alors sortez bonnes gens ! Osez vous pencher et vous rincer l’oeil dans les petits mondes de pensées en actes de Johan Muyle. Osez regarder loin, plus loin que retirer l’écharde de votre pied comme le fait le Spinario, l’enfant tireur d’épine présent dans l’expo, avant que ne vous traverse de dos la grande flèche de l’apathie qui endort et empêche de percevoir avec des antennes plurielles tout ce qui entoure.
Judith Kazmierczak
No Room for Regrets
MACS,
Musée des Arts Contemporains Grand-Hornu
20.12.2020 au 18.04.2021
[1]« Il est dangereux de se pencher »
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