Facétieux bijoux joujoux par un Marchal plutôt filou

Give me fight, Broche, 2002, Acier inoxydable, argent, laques, 90x90x7 mm, © FluxNews

Patrick Marchal (1968, Bruxelles) est un excentrique philosophe. Il s’amuse et amuse. Il va au-delà des apparences et des usages, il ne se préoccupe pas de l’apparat. Pourtant ce qu’il crée est, à l’origine, pour le paraître.

Un bijou n’est-il pas d’abord une façon pour celle ou celui qui le porte de montrer de quelle manière il est mis en valeur par son corps. Pour étaler, avec élégance ou vulgarité, la valeur marchande supposée qui a permis son achat et par conséquent de faire la nique à qui n’en a pas les moyens.

Qu’on le veuille ou non, le bijou est en connivence avec les mondanités. Il doit être vu, exhibé, attirer les regards et les convoitises. Même s’il est en toc et se contente d’évoluer, non dans le faste du luxueux des cercles de V.I.P., mais dans l’ostentatoire exubérant des discothèques de patelins perdus ou les festivités populaires les plus communes.

Marchal délaisse le mondain pour s’intéresser au monde. Ce qu’il crée a un rapport direct avec la réalité du présent. C’est dire si cet engagement mène à la causticité, à la fronde, à un humour qui ne dédaigne pas de s’attaquer à des problèmes sensibles. Et cela se vérifie avec l’appellation donnée à chaque pièce conçue avec la délicatesse, la finition, l’élégance de la formation très professionnelle de ce joaillier a-typique.

Tel pendentif à suspendre sous un cou s’appelle Guillotin Ier et a, bien entendu, la forme d’une guillotine. Telle bague, sous l’appellation Bésamé mucho macho, s’orne de magnifiques lèvres d’un rouge éclatant pour susciter le baise-main. Néanmoins, attention à ne pas trop s’incliner car, près des commissures, des pointes acérées montent la garde !

Give me fight est une broche en forme d’étoile de shérif. Et quel ordre défend ce supposé défenseur des lois, identifié au centre comme étant le très conservateur président Bush ? À en croire les incrustations sur les pointes stellaires : coca, Mickey Mouse, dollar, derrick, grenade, Malboro et Ku-Klux-Klan, c’est bien celles des U.S.A.. Fukushima mon amour se décline en illusoire masque protecteur.

Sa couronne, The Golden boy’$ King, laissons-le plasticien décrire lui-même cet assemblages d’or, d’acier et de fer : « Les lingots d’or dominants du haut de leur échelle sociale affichent avec indécence et en toute impunité leurs richesses acquises discrètement sur le travail ou la misère des autres. Rassurez-vous, grâce à leurs garde-fous en acier inoxydable, ceux-ci sont scellés et bien protégés de l’acier noir, qui n’est pas sans rappeler le charbon ou le pain rassis si cher aux ouvriers. » Et il ajoute, mine de rien, que le coût de cet objet est calculé en fonction de la valeur boursière de l’or au moment de l’achat : « Heureusement, il y a une morale : puisque l’argent ne fait pas le bonheur des pauvres, laissons l’or le faire à d’autres

Quant à son collier baptisé Get gold or crucifix your mind, composé essentiellement d’une poupée Barbie pratiquant les anneaux comme une vraie participante aux jeux olympiques, ce sont les indications du cartel qui expriment dérisoirement le mieux ce dont il s’agit : re-lifté par injection de silicone avec additifs de zirconiums, rubis synthétiques et diverses pilules ; suspension et mise en croix par piercings en acier chirurgical et anneaux d’argent, enrobé d’un gant de chirurgien en latex stérile et mise en plis.

American alliance est, comme l’indique son nom, est un anneau de mariage. Il est composé de balles de révolver. Ses bracelets – on s’en serait douté – sont le plus souvent des menottes chères à tous les feuilletons télévisuels dont le petit écran nous saoule. Ave Maria est joyeusement coloré. Solitarity est la visualisation d’un mot valise forgé à partir de ‘solidarité’ et ‘militaire’. Et, précisément, la médaille militaire destinée à un casque bleu onusien représente un bélier fougueusement lancé dans la direction… contraire à celle des armes. Il y a même des pins façon Playmobil.

Cette expo jubilatoire l’est davantage encore si on s’attarde devant chaque création car nombre de détails sont allusifs et visent des fonctionnements plus ou moins aberrants de nos sociétés occidentales. Les titres aussi se réfèrent à des éléments connus et ne sont jamais ‘insignifiants’ car Patrick Marchal joue avec les mots comme avec les matières et les formes.

Michel Voiturier

Au CID (Centre d’Innovation et de Design) du Grand Hornu, rue Sainte Louise 82 à Hornu jusqu’au 11 février 2018. Infos : +32 (0)65 65 21 21 ou www.cid-grand-hornu.be

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