A Bruxelles, de plus en plus, les collectionneurs ouvrent au public les portes de leurs collections et Art Brussels est souvent l’occasion de présenter de nouveaux accrochages. Initié en 2007 par Walther Vanhaerents, le mouvement a été suivi deux ans plus tard par Charles Riva.
Installée dans un bel hôtel de maître de la rue de la Concorde à Ixelles, la Collection Charles Riva présente dès le 24 avril, sous le titre « Made in New York », une sélection des peintres les plus intéressants de la nouvelle scène new-yorkaise : Christopher Wool, Kelley Walker, Blake Rayne, John Miller, Seth Price, Cheney Thompson, Josh Smith, Nate Lowman et Valérie Snobeck. Un projet qui prend une importance particulière pour cet ancien galeriste qui a passé 20 ans de sa vie dans cette ville et par lequel il nous dévoile un peu de son jardin secret.
Colette Dubois : Qu’est-ce qui pousse un collectionneur à ouvrir sa collection au public ?
Charles Riva : Je pense qu’on ouvre sa collection d’abord pour soi-même et après pour les autres. Au bout d’un certain temps, un collectionneur a tellement accumulé d’oeuvres qu’il sait plus ce qu’il possède. Exposer une partie de sa collection revient à pouvoir voir la force qui se dégage des oeuvres. Quand j’ai commencé à collectionner Jim Lambie, j’ai acheté une pièce, puis une autre, etc. Lors de la première exposition que j’ai faite de la collection, quand j’ai mis tout ensemble, j’ai réalisé que ce que j’avais collectionné de Jim Lambie était extrêmement complet. En fait, une collection fonctionne comme un puzzle.
C.B. : Donc c’est d’abord pour une raison personnelle…
C.R. : Oui. Et ensuite, c’est important de voir ce que les gens en pensent, la façon dont ils perçoivent ma vision de l’art contemporain. C’est toujours intéressant de se confronter à la critique, de partager.
C.B. :Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
C.R. : Ma mère est peintre, mon père est architecte. Quand j’étais enfant, nous avons fait une croisière sur le Rhin et nous nous sommes arrêtés à Cologne. Il y avait une exposition de Pop Art au Ludwig Museum et, pour la première fois, j’ai vraiment ressenti quelque chose par rapport à l’art. Il y avait Roy Lichtenstein, Andy Warhol, Claes Oldenburg. Cette exposition a créé une sorte de pont entre les bandes dessinées que je lisais et l’art. C’était ma première sensation forte et je me suis mis à regarder l’art différemment. A l’âge de 19 ans, je suis parti pour New York et j’ai ouvert ma première galerie, la ‘Riva Gallery’ en 1998 à Chelsea. En 2003, j’ai ouvert la galerie ‘Sutton Lane’ basée entre Londres et Paris. Bien évidement, au fil des années j’ai commencé à collectionner quelques oeuvres et j’ai réalisé que le public belge serait intéressé par le programme contemporain que j’étais sur le point de mettre en place.
C.B. :En quelle année était-ce ?
C.R. : C’était en 2009. J’ai ouvert cet espace en même temps que Barbara Gladstone, Almine Rech et Nathalie Obadia. Aujourd’hui, je partage ma vie entre Bruxelles et New York et j’ai cessé les galeries. Je crée des collections d’art contemporain pour des clients.
C.B. :Quels sont les artistes représentés dans votre collection ?
C.R. : Ma collection est basée presque à 80 % sur des artistes américains, avec quelques artistes allemands et anglo-saxons.
C.B. : En fait, il n’y a pas d’artistes belges…
C.R. : Ah, si, à Bâle Miami en décembre dernier, j’ai acheté un Harold Ancart que j’aime énormément. J’aime beaucoup Thierry de Cordier, mais il produit très peu de tableaux. A la dernière biennale de Venise, j’ai adoré la salle où il était exposé avec les sculptures de Richard Serra. Je n’ai pas beaucoup d’artistes belges, mais je suis très intéressé. J’aime bien aussi James Ensor, mais c’est plus vieux
Made in New York
C.B. : Pouvez-vous nous présenter la nouvelle exposition ?
C.R. : Le show part des artistes qui ont commencé à produire des oeuvres dans les années 80, la dernière oeuvre date de 2013, le tout est vu par l’oeil de quelqu’un de 39 ans. C’est une déclinaison des artistes les plus importants de cette période. J’ai choisi des artistes qui avaient marqué ma vie : j’ai acheté Christopher Wool il y a presque 10 ans quand ses tableaux ne valaient pas cher et que les gens avaient un petit peu de mal à expliquer son travail. Dans ce show, on remarque qu’ils ont tous été influencés par Andy Warhol, par les questions de reproduction, d’utilisation des images, du recyclage, etc. Ils se connaissent et se respectent. L’artiste la plus jeune, Valérie Snobeck, adore Seth Price… L’année dernière, avec « California », j’avais montré des artistes emblématiques et importants de la West Coast : Ed Ruscha, Mike Kelley, McCarthy, Sam Durant, etc. qui a eu énormément de succès. C’est ce qui nous a décidé à le refaire pour New York. Le premier grand group show qu’on avait fait s’appelait « Russian Turbulence » sur des artistes russes. J’ai réalisé que les gens aimaient bien des shows « vus par l’oeil d’un collectionneur ».
C.B. :Comment voyez-vous la scène de l’art contemporain à Bruxelles ?
C.R. : Je préfère le programme des galeries d’art contemporain en Belgique que celui qu’on trouve à Paris. Le programme d’art contemporain de galeries qu’on trouve à Paris est complètement has been, je suis désolé de dire ça. Et c’est pour cela qu’il y a beaucoup de galeristes qui viennent ici. Je pense que Bruxelles va devenir une grande plateforme de l’art contemporain. Il y a de très bonnes galeries comme Hufkens, Almine Rech, Barbara Gladstone, Rodolphe Janssens, etc. Bruxelles est une ville relativement relax, moins axée sur la compétition, chacun fait son travail et au bout du compte, ça donne des belles choses.
Propos recueillis par Colette Dubois.
23/04 > 19/07/2014
Charles Riva Collection
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