Céramique : Olivia Mortier, copies difformes

Céramiques 'alimentaires' d'Olivia Mortier © MV.FN

La céramique appartient au patrimoine de nos régions. La porcelaine de Tournai est un trésor pour collectionneurs. La production, désormais interrompue, de chez Boch à La Louvière est encore bien présente dans les vaisseliers ou les crédences de pas mal de particuliers. Le village de Rebaix, entité d’Ath, a connu une activité artisanale jusqu’au milieu du XXe siècle.

Pas étonnants qu’Olivia Mortier, régionale par sa naissance, ait décidé de raviver des souvenirs de prime jeunesse en rendant un hommage à la fois ému et amusé à une vaisselle courante et à cette production en partie artisanale de poterie. Son exposition est d’ailleurs jalonnée de photos familiales plutôt anciennes qui rappellent combien l’usage de ces objets lors des repas était familier.

L’évocation est d’abord dans l’emploi de la fameuse couleur bleue qui agrémentait toute une fabrication d’assiettes  ou de potiches plus ou moins décoratives. Les motifs choisis par la céramiste constituent une évocation faussement naïve de ceux de jadis. Elle les a voulus un rien maladroits, tâtonnants et détournés parfois afin de suggérer des rappels du folklore local, riche notamment en géants processionnels.

Son intérêt a porté sur une manière d’utiliser la matière non en vue d’obtenir des produits lisses, propres à recevoir quelque nourriture mais plutôt à se présenter avec des reliefs, des déformations que les artisans des temps passés auraient considérées comme des malformations. Elles relèvent en effet dans ce cas-ci d’une volonté formelle de s’apparenter davantage à de la sculpture en pièce unique qu’à des ustensiles produits en série à usage journalier.

Lorsqu’il s’agit de faire directement  allusion à l’usage commun de cette vaisselle, Olivia Monier agence des ensembles biscornus dans lesquels la nourriture est traduite par la présence d’imitations cocasses en céramique. Ici, spaghettis ou boulettes et chipolata sont en terre cuite. Les assiettes se déforment ; leurs motifs floraux se développent en trois dimensions comme devenus part intégrée aux aliments.

Le clin d’œil prend des allures coquines lorsque le décor des assiettes se transforme en femmes dénudées, aux allures quelquefois surannées des poses utilisées sur les photos pornographiques  vendues sous le manteau au début du XXe siècle dans les quartiers de prostitution des grandes villes. Elles sont la transposition malicieuse de ces dessins inscrits au fond des verres de saké dans les restaurants asiatiques, apparitions floues devenant visibles au fur et à mesure que l’on boit.

La nostalgie côtoie donc une certaine dérision. Ce n’est pas le regret d’un passé révolu. C’est le souvenir qu’on en a. Des allusions à ces inévitables scènes familiales où les enfants devaient demeurer face à leur pâtée aussi longtemps que tout n’avait pas été ingurgité. Des réminiscences de tabous auréolant le charnel de mystères fermentant dans les imaginaires des ados d’un autre temps.

Michel Voiturier

« Copying Machine » en la Maison culturelle, Le Palace, 4 rue de Brantignies à Ath jusqu’au 14 mars 2020. Infos : +32 (0)68 68 19 99 ou https://www.mcath.be/

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