“Captive Breeding” – Antoine Van Impe aux Brasseurs

VAN IMPE, Antoine, "Hiddenhand", photo, 2015

Lorsqu’on visite les expositions d’Antoine Van Impe, on oscille toujours entre le sourire aux lèvres et le regard interrogateur. Et l’exposition « Captive Breeding », organisée aux Brasseurs, ne déroge pas à la règle. Ce qui de prime abord peut s’apparenter à de l’humour ou à des clins d’œil anecdotiques ne l’est pourtant pas tant si l’on pousse plus loin l’investigation. Car le sujet, chez l’artiste, est toujours prétexte à une réflexion plus large et au développement d’une idée qui continuera d’évoluer.

Preuve en est la présence ponctuelle de quelques éléments issus de travaux antérieurs, de « La_fabrique_de_chaises » au « Pavillon » en passant par « Le temps d’un thé » présenté il y a quelques années au Mamac. Il n’est toutefois pas question de rétrospective mais plutôt de distiller dans l’espace des œuvres, retravaillées ou non, qui possèdent un point d’ancrage avec l’idée mise en évidence dans « Captive Breeding ». La “reproduction en captivité”, cet acte naturel contraint en quelque sorte par la société, est le point de départ de l’exposition. Et ainsi se déploie toute une observation sur la contrainte physique ou mentale imposée par notre environnement (la ville, la société, la nature) mais aussi sur la disparition.

Ce n’est pas un hasard si l’exposition ressemble à un véritable parcours du combattant formé par le positionnement des œuvres. Un mur (« Wall vs. Zebra ») se dresse dès l’entrée, un matelas (« Descente de lit ») rend l’accès à la coursive difficile (mais pas impossible), un éboulement de parapluies (« Catastrophes naturelles ») menace les escaliers. C’est comme si nous étions projetés dans notre quotidien jalonné d’entraves posées ça et là dans la ville – on pensera aux éternels travaux érigés qui rendent le parcours urbain parfois impraticable –. Mais ce qui frappe surtout est la récurrence de ces motifs de zébrures et de robes félines qui animalisent ces contraintes urbaines qui deviennent par là naturelles. N’évoluons-nous tous pas, tel des animaux, à travers un safari géant ?

Outre cette association nature versus ville, l’idée de double est fortement présente dans certains travaux. « Missing », installation vidéo reprenant les derniers instants filmés du tigre de Tasmanie, provoque un dialogue entre le dedans et le dehors, entre l’apparition et la disparition. « Réchauffement climatique », sous ses aspects ludiques, oppose également chaud et froid dans une installation combinant micro-ondes et frigo. Le double concourt à renforcer cette impression de lutte, de contrainte et d’opposition.

Les œuvres d’Antoine Van Impe, pour peu qu’elles utilisent des éléments de la vie quotidienne, prêtent à sourire quelquefois par leur aspect ludique et interactif. Elles peuvent aussi prêter à confusion et l’on pourrait aisément sortir de l’exposition en se disant que l’on n’y comprend rien et qu’il n’y a rien à y voir. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel. Il faut prendre un peu de temps pour laisser l’idée faire son chemin et la réflexion s’instiller petit à petit car rien n’est jamais au final hasardeux chez Antoine Van Impe.

 

Cette notion de temporalité nécessaire à la découverte trouve un écho particulier à travers les œuvres présentées dans les deux vitrines entourant l’entrée des Brasseurs. Parallèlement au cycle « Septième Ciel », le centre offre aussi l’occasion à de jeunes artistes d’exposer dans cet espace extérieur. Ce dernier est actuellement occupé par Fabien Léaustic et « Planète Iode ». Son œuvre provoque un dialogue inattendu avec « Missing » d’Antoine Van Impe, située à l’opposé. De chaque côté de l’entrée, le caché est en quelque sorte révélé selon les processus propres à chacun des artistes.

Par ses installations – et « Planète Iode » ne déroge pas à la règle –, Fabien Léaustic révèle les microphénomènes, ceux qui sont tangibles mais à la limite du visible. Ses dispositifs optico-phoniques, tel qu’il les appelle, intriguent et nécessitent un temps d’arrêt pour pouvoir s’immerger dans le visuel qui apparaît sous les yeux. C’est tout un jeu naturel de tensions et de surfaces qui se crée entre eau salée et eau non salée et qui se dévoile grâce au laser. Et ainsi se forme sur l’écran une ligne d’horizon, légèrement mouvante, qui convoque de multiples paysages mentaux qui peuvent facilement nous emporter ailleurs.

Cette révélation de l’invisible amène à considérer différemment ce qui nous entoure. La particularité de l’emplacement – l’œuvre étant visible à même la rue – apparaît compliquée à gérer, surtout quand il s’agit d’y présenter des installations requérant une attitude immersive de la part du visiteur. Pourtant, « Planète Iode » entre véritablement en interaction avec cet environnement qui pourrait sembler a priori inapproprié. L’ensemble lui donne une atmosphère particulière qui interpelle. Aux bruits mécaniques généralement produits par les dispositifs se substituent les ronronnements des moteurs, offrant de la sorte une autre dimension à l’installation. Ainsi, chaque mouvement de surface et chaque « mélodie » urbaine se combinent pour offrir une vision de l’installation sans cesse renouvelée, nuit après nuit.

Céline Eloy

L’exposition « Captive Breeding » d’Antoine Van Impe et « Planète Iode » de Fabien Léaustic est accessible  jusqu’au 14 mars 2015.

Les Brasseurs –http://www.lesbrasseurs.org/

 

 

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