Au MAC’s, les fétiches changent de masques…

Le MRAC (Musée Royal de l’Afrique Centrale) ayant fermé pour 3 années de travaux de rénovation, le MAC’s accueille une partie de la collection. Sélectionnés par Laurent Busine, les masques; termitières; tambours géants; couvercles à proverbes,… sont confrontés à des photographies anonymes ainsi qu’à une série d’œuvres de Rineke Dijstra. L’Art Premier se frotte à l’art contemporain. Une exposition aux multiples facettes qui vaut le déplacement par les affinités sélectives qui se profilent tout au long du parcours.  La thématique centrée sur l’absence est mise en évidence par le fait que Laurent Busine signe ici une de ses dernières expositions au MAC’s.

Ma dernière visite au MAC’s m’aura conforté sur ce que je savais déjà: Laurent Busine est un commissaire artiste. L’exposition du Grand Hornu, “Ce tant curieux musée du monde”, le confirme. Réussir le coup de maître de déménager une partie de la collection du MRAC au MAC’s en la connectant à des oeuvres contemporaines est une gageure en soi. L’exercice était à haut risque. Dans le jeu des cohabitations, seul un artiste peut véritablement s’en sortir. S’il avait été choisi comme commissaire, Meshac Gaba, artiste contemporain d’origine africaine, aurait sans nul doute opter pour une vision politique. Laurent Busine a opté, lui, pour le poétique.  La scénographie qu’il nous présente est au service d’une thématique où s’alterne des cycles de présence et d’absence. L’omniprésence d’images d’hommes de race blanche étonne. Les photos d’anonymes du début du XXe et les photos plus contemporaines de Rineke Dijstra s’opposent à l’absence d’images d’hommes de race noire. Ne subsistent en fait que les produits manufacturés par l’homme et par la nature: les tambours, les ossements, les traces de passages,….  Le début du parcours donne le ton: Dans la première salle, on se libère de l’exotisme spectaculaire, pas d’éléphants empaillés. Simplement posés en séries, des ossements d’éléphants et des tambours en bois confrontés au regard interrogateur de deux adolescents. Etrange sensation dans cette inversion des rôles. Pour une fois, on a l’impression que les fétiches sacralisés sont du côté de l’art. Les gamins de Liverpool de Rineke Dijstra, ont plutôt l’air congelés face à la chaleur naturelle que dégagent les tambours troncs que l’on peut toucher et faire résonner dans l’espace. La suite du parcours est étonnante avec une succession de découvertes à la clefs, comme ces couvercles à proverbes dont les images sculptées fonctionnent comme des dictons. Guido Gryseels, directeur du MRAC est intarrisable sur cette phraséologie.. Autre surprise, les achats de la collection du musée de Tervuren continuent aujourd’hui. par exemple: avec le recyclage de vieilles culasses de moteurs reconverties en marmites de cuisson, un élégant ensemble aux allures design témoigne de ce revirement de tendances au niveau des styles.  Le parcours, se clôture dans la grande salle avec la série de photos de Rineke Dijstra. C’est un ensemble de 11 portraits figurant 11 étapes de l’existence d’une femme. De l’âge de cinq ans, jusqu’à l’âge adulte où ont la voit maman tenant sa petite fille dans les bras.  Face à cette œuvre d’une grande sobriété, l’admirable série des masques Pendé souligne avec force un sentiment d’absence d’incarnation. Une fois dépossédé de leur animateur principal, ne subsiste que la sensation d’avoir en face de soi une coquille vide inanimée.  Au premier degré une exposition d’apparence mineure, mais qui vaut le déplacement par le côté ludique et testamentaire qui se dévoile au fil du parcours scénographié par laurent Busine. Même si cette finalité n’est pas revendiquée par le principal intéressé, la lecture des propositions nous pousse indirectement vers ce constat, les références aux expos passées fonctionnent comme des aides-mémoires. Non sans humour, on s’imagine, Laurent Busine, déguisé en petit poucet, semer tout au long de la visite ses cailloux, ils ont la fonction de faire resurgir en nous des noms comme Boltansky, Pennone, Kapoor, etc. Aux visiteurs de continuer ce jeu de pistes de remmémoration en se reconnectant à l’histoire du Mac’s depuis ses débuts.

Lino Polegato

“Ce tant curieux musée du monde” >18/1 au MAC’s Site du Grand-Hornu Rue Sainte-Louise, 82 B-7301 Hornu 8 € ; ma-di: 10-18

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