Des artistes et leur mère
Le Bal – Paris 18
exposition du 12 octobre 2023 au 25 février 2024
*« sans doute je serai mal, tant que je n’aurai pas écrit quelque chose à partir d’elle »
Roland Barthes
Le Bal présente une exposition traitant du rapport intime et universel à la filiation maternelle, des femmes et des hommes artistes de toute origine font de cette proposition une référence internationale. Composée par des photographies, des écrits, des vidéos, l’exposition évoque les différents états et rapports en dépassant le témoignage intimiste pour l’étendre à l’universel.
L’exposition débute par une photographie de Dirk Braeckman : Zelfportret met moeder de 1988, dans laquelle l’artiste est assis sur une chaise et disparait derrière le portrait photographique de sa mère en costume de communiante. Sur un fond neutre il n’est plus qu’une ombre, un présentoir pour la représentation maternelle. Cette photographie est emblématique du rapport que les artistes de l’exposition entretiennent avec leur généticienne et des difficultés à traiter ce sujet.
L’exposition prend en considération cette relation très particulière que l’artiste, et par extension tout le monde, a ou a eu à cette personne unique, sans qui nous ne serions pas. Je ne sais pas si cette relation est aussi compliquée pour tout le monde, ou si cela est lié au vécu de l’artiste mais toutes les œuvres exposées relèvent d’un registre cathartique, et de la difficulté de communication, de la distanciation, du manque ou du regret.
C’est ce qu’évoque la citation* de Roland Barthes, que l’on peut lire sur un mur. Prélevée dans son journal de deuil et qui précède de peu l’édition de la chambre clair, cet écrit fondamental, réflexion sur le « ça a été » de la photographie. D’autres écrivains participent à l’exposition comme Hervé Guibert, Pier Paolo Pasolini ou Chantal Akerman de leurs écrits sur le sujet.
Nous pourrions classer les présentations selon de trois catégories principales, les artistes ayant directement collaborés avec leur mère, ceux qui travaillent à partir ou autour de celle-ci et ceux qui sont dans la recherche de la mémoire et le comblement impossible du vide laissé.
Dans la première catégorie, Michel Journiac s’amuse du freudisme en transcendant les générations et en se travestissant en sa mère. Le jeu du double et du trouble se fait en complicité avec elle, sous l’œil approbateur de son père.
Autre « jeu » intergénérationnel entre Ragnar Kjartansson et sa mère Me and My Mother , dans un rituel qui tous les cinq ans les mettent en scène dans une vidéo où la mère crache sur son fils impassible. Cela est violent pour le spectateur mais il semblerait que cette activité familiale raconte un mystère affectif qui continuera jusqu’à la mort de l’un des protagonistes.
Mark Raidpere dans Shifting Focus, crée une tension physique et psychologique entre lui et sa mère dans une vidéo mettant en lumière l’incommunicabilité. Dans le même registre Anna et Bernhard Blume dans Ödioale Komplikationen ? oùMère et fils s’en prennent au salon familial jusqu’à la destruction.
Plus serein Por um Fio, de Anna Maria Maiolinoidentifie la filiation par un simple cordon passant de sa bouche à la bouche de sa mère et celle de sa fille et Chantal Akerman maintient le lien familial par les communications téléphoniques sur fond de vie quotidienne new-yorkaise.
Dans la série de photographies The Notion of Family, LaToya Ruby Frazierévoque le déclin financier et social d’une ville des Etats-Unis et de la déchéance de sa population. Par le biais d’une collaboration active avec sa mère, qui en fut une victime, l’artiste veut démystifier l’idée selon laquelle les pauvres ne peuvent écrire leur propre histoire.
Measures of distance de Mona Hatoum signifie la séparation douloureuse suite à l’exode mais la rupture traumatique est liée à la guerre et à l’exil.
Gao Shan a enfin pu conclure une communication avec sa mère adoptive.
Puis survint le changement, Jochen Gerz, quant à lui, shoote et archive ce moment, les derniers instants maternels sur son lit de mort.
Cette autre partie de l’exposition est autour du manque et du vide, suite au décès et de la quête de communication irrésolue par les objets laissés.
Le rapport mère/fille et sa mémoire est travaillé par Lebohang Kganye qui revite dans Ke Lefa Laka : Her-Story, avec de vieilles photos de sa mère qu’elle vient habiter en mimétisme dans des photomontages où elle manipule son histoire et la nôtre.
Dans Strip, Rebekka Deubner réalise des photogrammes des vêtements de sa mère disparue, le travail Mother’s de Ishiuchi Miyako va aussi dans ce sens en photographiant ses objets lui ayant appartenus.
Sophie Calle prendra l’avion pour ensevelir les bijoux maternels dans un glacier du Grand Nord.
Dans cette présentation intemporelle, les approches du sujet sont multiples et les visiteurs sont concernés intimement pas le thème et sont invités inévitablement à un transfert vers leurs propres vécus. A vous d’y aller voir !
Michel Clerbois
A partir d’elle
Des artistes et leur mère
Commissaire : Julie Héraut
Artistes : Rebekka Deubner – Michel Journiac – Roland Barthes – Dirk Braeckman – Christian Boltanski – Anna et Bernhard Blume – Ilene Segalove – Ragnar Kjartansson – Karen Knorr – Lebohang Kganye – Anna Maria Maiolino – Michele Zaza – Mark Raidpere – LaToya Ruby Frazier – Gao Shan – Chantal Akerman – Anri Sala – Mona Hatoum – Pier Paolo Pasolini – Asareh Akasheh – Hélène Delprat – Paul Graham – Jochen Gerz – Hervé Guibert – Sophie Calle – Ishiuchi Miyako
EXPOSITION DU 12 OCTOBRE 2023 AU 25 FÉVRIER 2024
LE BAL
6 impasse de la Défense 75018 Paris
Ouvert le mercredi de 12h à 20h et du jeudi au dimanche de 12h à 19h
Fermé le lundi et le mardi
Poster un Commentaire