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Edito
Il sera bien sûr beaucoup question de la Biennale de Venise dans ce numéro d’été, comment peut-on parler d’art au moment où se déroule une guerre en Europe ? C’était la question que je me suis posée tout au long de cette Biennale en visitant les expos proposées. Tous ceux qui ont cru et j’en faisais partie qu’un débat pouvait avoir lieu sur la question se sont trompés lourdement. Dans la plupart des cas cette question a été banalisée et beaucoup d’artistes, publics confondus, ont préféré botter en touche. On est à Venise pour faire la fête après tout, l’art est là pour nous faire oublier cette réalité qui nous empêche de vivre tout simplement. Un des premiers constats fut le manque total d’empathie vis-à-vis de cette « Piazza Ucraina » située en plein coeur des Giardini. Désertée par le public local, elle semble isolée et non convenue. Même constat du côté du pavillon russe: que sont devenus les deux artistes russes qui courageusement ont voulu faire un geste fort en se désengageant du projet initial? Isolés chez eux, ils le sont sur le plan international également. En visitant le pavillon ukrainien une idée m’était venue à l’esprit. Pourquoi ne pas inviter quelques Russes, diabolisés pour le moment, à venir dialoguer pacifiquement avec les artistes ukrainiens présents en masse dans la Biennale? Gonflé par cette idée, je la propose illico à Pavlov Makov, le sélectionné officiel du pavillon ukrainien. Un geste de fraternité entre artistes aurait-il pu devenir un geste fort pour l’art? Fraternité, c’était le mot de trop à ne pas prononcer dans le cadre de mon interview. Une altercation s’ensuivit et l’artiste a brutalement interrompu toute forme de dialogue. Rien que l’idée d’évoquer ce mot de fraternité l’avait mis dans une colère indescriptible. Sa curatrice dut intervenir avec diplomatie pour le calmer. Cet épisode m’a rendu mal à l’aise et m’a fait comprendre le degré de souffrance enduré par l’artiste. Vivant ce conflit de l’intérieur, Pavlov s’est senti blessé dans sa chair par ma proposition.
Je me suis renseigné par la suite sur la faisabilité d’inviter un artiste russe, pourquoi pas dans un cadre de résidence en Europe. C’est pratiquement devenu impossible, vu le contournement nécessaire de l’espace aérien européen. Les coûts de transports aériens sont tellement onéreux que cette probabilité n’est même plus envisageable.
Un autre fait marquant cette année à Venise, le changement radical des comportements dans le système de l’art. Les performeurs indépendants, jadis nombreux dans toute la Biennale ont pratiquement tous disparu. L’art se professionnalise, tout se fait à l’intérieur, les riches dans les Palais pour quelques semaines et les pauvres se fédèrent pour exister quelques jours dans le cadre des journées Presse en louant des espaces, généralement des rez-de-chaussée commerciaux. Ce genre d’espaces pullule à Venise, la crise covid ayant généré pas mal de faillites, c’est une nouvelle forme de deal pour les opérateurs culturels en recherche de visibilité. Le bar dans ce genre d’espace est souvent l’élément central… Dans cette nouvelle redistribution des cartes il y a des surprises, comme la nouvelle mission de Nicolas Bourriaud qui est devenu aujourd’hui co-actionnaire de Radicants, une société de “coopérative curatoriale”. Une expo sur le thème du sublime à l’heure du changement climatique au Palazzo Bolani devait servir de tremplin au lancement de ce nouveau concept. Une nouvelle manière d’aider les Fondations ou les entreprises à investir dans l’art. Une interview sera prochainement postée sur YouTube pour que vous puissiez vous forger votre avis personnel sur la pertinence de cette nouvelle façon d’aborder l’art.
En tous cas, une entreprise qui marche et qui continue de nous faire rêver c’est l’association Eva & Adèle une nouvelle fois présente à Venise.
Vu la thématique, elles auraient pu bénéficier cette année d’un Lion d’or pour leur incroyable longévité. Rendez-vous à la prochaine documenta…
Sommaire
2 Édito.
4 Les ukrainiens à Venise, un texte de Colette Dubois. Interview de Pavlo Makov, artiste du Pavillon ukrainien..
5 Le Pavillon belge à Venise, textes de Judith Kazmierczak et de Colette Dubois.
6 59e Biennal de Venise, interview de l’artiste colombienne Delcy Morelos. Intervieww de Francis Alÿs par Lino Polegato
7 La Biennale à l’heure du réenchantement, un texte de L.P.
8 Entretien avec Denis Gielen par Clémentine Davin. Expo au BPS22 sur le thème de l’adolescence, un texte de Vandi Makubikua
9 Recensement expo Gaillard & Claude et Aline Bouvy au MACS par Clémentine Davin.
10 A Bocca Chiusa, Johan Muyle à la Belgian Gallery. un texte de Clémentine Davin. Expo Stephen Sack, texte de Véronique Bergen.
11 Un texte d’Aldo Guillaume Turin sur une intervention de Djos Janssens. Art public liégeois, un texte d’Anne Mathurin sur l’intervention de Maria Vita Goral au Pont de Fragnée.
12 Expo de Laetitia Bica, un texte de Florent Delval
13 Aïcha Snoussi au Palais de Tokyo, un texte de Florent Delval
14-15 Esh Capitale culturelle européenne, Grand Duché de Luxembourg, un recensement de Michel Voiturier.
16 Expo collective au chateau de Laarne par Luk Lambrecht. Pavillon de Lithuanie, Robertas Narkus par Lino Polegato.
17 Pavillon Coréen , un texte et interview sur l’oeuvre de Yunchul Kim par Maria Giovanna Musso
18/19 Texte et entretien sur Laurine Rousselet suite à son expérience poétique avec la chorégraphe Carolyn Carson par Véronique Bergen
20/21 Interview de Katya Ev et Marc Buchy par Pascale Viscardy suite à une expo à la New Space
22 Entretien avec l’Echevin de la culture liégeoise Mehmet Aydogdu par Lino Polegato
23 Sur l’oeuvre de Jacques Clauzel, un texte de Régine Rémon. Expo de Costa Lefkochir au Musée de La Boverie par L.P.
24/25 Breath in Horst Festival, Interview des protagonistes par Pascal Viscardy.
26 Sur l’oeuvre de Carole Louis, un texte de Céline Eloy. Creshendo, une expo collective sur fond d’échange culturel, un texte de Céline Eloy.
28 Les quartiers d’été, un texte de Yoann Van Parys sur l’expo de Vonna Mitchell à la Galerie Jan Mot.
31 un entretien entre Athanasia Vidali et LLino Polegato
32/33 Expo Rinus Van de velde à Bozar, un texte de Louis Annecourt.
34 Expo sur l’abstraction à La Patinoire, un texte de Michel Voiturier
35 Commentaires de Jeanpascal Février sur l’oeuvre de Marthe Wéry.
Lino Polegato
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