Pour la quatrième fois, la Maison culturelle d’Ath disperse dans la ville des œuvres contemporaines qui ont à voir avec le végétal soit parce qu’elles appartiennent à ce domaine botanique, soit parce qu’elles s’y intègrent.
Des pièces déjà présentes les années précédentes côtoient des créations spécialement conçues pour cette édition. Ici art d’aujourd’hui et environnement trouvent une harmonie particulière. Il est possible de l’apprécier grâce à une promenade citadine pédestre qui met en valeur la rénovation urbaine athoise.
Au confluent des deux Dendre, Lionel Pennings dresse sur l’herbe des pans de murs. À l’inverse de ce qui se passe dans la réalité où un édifice à l’abandon finit par devenir une ruine qu’envahira la végétation, l’artiste inscrit des morceaux d’architecture, sortes de vestiges, qu’on pourrait compléter si on désirait un bâtiment habitable dans le futur. À proximité, dans un bras mort de la rivière, Angelika Bail agence desbouteilles en verre blanc. Elle les a rassemblées comme un courant qui traverserait cet espace. Cette association entre le liquide supposé être leur contenu et l’absence de l’eau suscite par analogie une idée de flot. Sauf que dans ce cas, les plantes sont en train de les submerger peu à peu, de les coloniser, prenant, face à leur immobilité, l’initiative de l’action et donc du mouvement.
Les fourmis géantes en acier d’Anne Krug montent à l’assaut d’un mur verdoyant. Leur reflet métallique tranche sur la densité feuillue. Leur silhouette filiforme les rend quasi transparentes. On les imagine en colonne infinie, déambulant à la recherche d’un produit à ramener à la collectivité, infatigables mécaniques en service, au service. Elles nous mènent à la sculpture dressée, immobile, en permanence, impassible, sur l’Esplanade : L’Hiératique de Pol Jouret. Sentinelle polysémique qui découpe l’espace, le fend en fusée prête au décollage, y signale la position géographique de la Cité des Géants. Elle répond dans l’espace à sa sœur L’Accomplissement, à la fois figée et animée d’une rondeur tournant sur elle-même.
Se mettre en boucle
pour retrouver l’origine
se regarder en face
ranimer l’étincelle
sans souder son destin (M.V.)
À proximité, béton ancré dans la pelouse, un banc qui vu de haut forme les trois lettres du patronyme de la ville. Camille Coléon l’y a installé comme une invitation à s’asseoir, à prendre le temps de savourer un instant de repos et de méditation, à sentir que la ville possède un esprit d’hospitalité. Il avoisine un monument à vocation de fable. Adam Weiner a dressé un mur fragmenté, cassé par endroits, qui fait songer au célèbre Mur de Berlin, brisé en 1989 pour annoncer une ère de meilleure liberté. Ce que celui-ci laisse passer, c’est la végétation en train de s’emparer du minéral rigide pour constituer une frontière perméable. Presque vis-à-vis, c’est un fémur géant sculpté par Mario Ferreti. L’artiste l’a reproduit dans sa véracité anatomique mais agrandi comme s’il appartenait à la lignée des géants processionnaires de ce terroir. Selon son habitude, le sculpteur y a adjoint des blessures, des réparations métalliques, indices d’une valeur archéologique chargée d’événements historiques. Il y aurait de quoi raconter bien des histoires, contes ou légendes. Tel est aussi l’avis de Pierre Hennaut. En cages métalliques, il inscrit dans l’espace une phrase en trois dimensions dont la verdure s’accoquine : « Il était une fois », au sein d’un jardin mi-clos d’un ensemble immobilier.
Après une courte marche, voici un duo. L’Arbre de Gauthier Priels est en fer. Son clone arboricole suit le mouvement indiqué par le sculpteur : celui donné par le souffle du vent dominant. L’espace accueille alors des lignes ondulées tant pour montrer la direction que pour simuler les ondulations de l’air. Sur une façade voisine, l’échafaudage conçu par Dominique Dupuis monte à l’assaut de la blancheur murale. Il est façonné (clin d’œil au folklore) de l’osier qui maintient les jupes de Goliath, Ambiorix ou Mademoiselle Victoire durant les cortèges. Mais il est aussi composé de bambous exotiques que les plantes grimpantes sont en train de coloniser.
Caroline Léger a beaucoup utilisé les plantes dans ses installations. Au square Saint-Julien, elle a cette fois planté des moulins d’acier similaires à ceux que les gosses brandissent volontiers sur les plages. Leurs hélices poétiques et colorées s’en donnent à cœur joie au moindre souffle. Enfin, du côté de la pittoresque Promenade de la Culture, Ghita Remy a envahi un long mur de la Ruelle Rigault en le hérissant d’une prolifération de petites sculptures en forme de champignons amadouviers, parasites qui se fixent d’habitude sur des troncs d’arbres faibles. Ici, sans doute, au fil des saisons, leurs pores accueilleront des éléments naturels qui leur apporteront vie. Enfin, avant de retrouver la Grand’Place, les « Rencontres » de la Cour Saint-Jean où Juliette Gabric a érigé une installation inspirée par un corail formé d’hexagones en acier sur pierre bleue. S’y trouvent des plantes mellifères. Synthèse de la triennale qui s’efforce de marier au mieux esthétique et nature. Reste à chausser ses baskets, se munir du plan offert par les organisateurs et profiter du soleil estival.
Michel Voiturier
Triennale Art &Végétal dans les rues du centre d’Ath jusqu’au 8 septembre. Infos : Maison culturelle, 4 rue de Brantignies à Ath. Infos : 068 68 19 99 ou www.maisonculturelledath.be
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