Tout est familier dans l’univers peint par Vinche. Familier mais tellement décalé qu’on le redécouvre avec des yeux rajeunis. Les lieux, les objets, les situations, les animaux et les personnages mêmes, nous les connaissons, nous les re-connaissons, comme si nous étions des touristes passés jadis et jamais revenus jusqu’à ce jour. Toutes ces œuvres sont nimbées d’une radieuse et ironique joie de vie, qu’elles datent des années 80 du siècle dernier ou que qu’elles soient signées en 2015.
Comme si, même lorsqu’on vieillit et que peu à petit le corps s’appesantit, demeure le plaisir d’être là, de regarder de manière pétillante la moindre des choses, les plus infimes incidents du quotidien réclamaient forcément un sourire identique, un étonnement renouvelé, voire un pied-de-nez impertinent et cependant élégant.
Les supports des dessins et peintures, c’est du n’importe quoi qui tombe sous sa main : bouts de papier, mouchoirs ou vieux tissus, carton, panneau chiné en brocante, emballages…, peu importe, tout est bon pourvu qu’il puisse y déposer un motif, y ajouter un commentaire écrit façon journal intime ou à la manière d’un légendeur ironiste. Car Lionel ajoute des mots pour indiquer, pour communiquer un renseignement, égrener un état d’âme, souligner un détail, envoyer un clin d’œil complice.
Nous sommes dans la simplicité de l’ordinaire. Rien que des choses, des situations appartenant à la banalité journalière. Excepté que, souvent, un détail, un indice, un anachronisme, une étrangeté qui introduisent une interrogation, un doute, une stupéfaction au point qu’en résulte l’impression d’être passé sans transition de la réalité au conte, de la normalité au rêve, de l’insignifiant, à l’extraordinaire.
C’est qu’ils affirment une étonnante présence, les petits personnages de Vinche ainsi que tels instruments ou ustensiles, que tels moyens de transport. Ils peuplent les espaces picturaux avec un naturel propre au fantastique. D’apparence plutôt raide, les êtres et les bêtes prennent la pose. Ils n’ont que faire ni des proportions, ni des règles de la perspective. Ils auraient bien place dans un dessin animé. Ils habitent des fables encore inédites. Ils peuvent nous montrer le parfum qu’ils respirent, fumer leur barbe, faire l’amour dans le panier d’un chat, apprendre à jouer du tuba, avoir le bras long, s’essayer au grand écart, craindre les grenouilles, battre des ailes ou soigner un rhume…
Que la composition des œuvres soit cumulant des traits successifs, soit gestuelle à coups de pinceau fluide, l’esprit demeure similaire. Car l’enthousiasme qu’éprouve l’artiste devant la vie, ce qui la compose, ce qui la nourrit, ce qui engendre la faculté de rêver se traduit par un permanent émerveillement.
Celui qui naquit sur des terres de péniches, dont le père fut marinier, qui fut un temps lui-même marin, est fasciné par les embarcations, les voyages, les poissons et les sirènes. . . Antidote rêvé à sa sédentarité de créateur ancré dans une existence apparemment ordinaire, l’imagination déborde des frontières de l’immédiat, vagabonde sans contrainte de modes, d’esthétique, d’orthographe, de bienséance, de bienpensance. Vinche est un hymne à la liberté.
Michel Voiturier
« Doux rêveur » en l’Espace d’Art Le Neuf, rue Brehen 9 à Marilles jusqu’au 15 avril 2023. Infos : 0473 600 595 ou Espace d’Art Le Neuf | Marilles | Facebook
Petit rectificatif : jusqu’au 16 avril inclus !
Espace d’Art Le Neuf