Une arche de Noé dans une chapelle

Apres nous le deluge, Chapelle de Boondael

Dans le choeur, une gravure monumentale présentant quelques-unes des milliers d’espèces menacées d’extinction aujourd’hui. Pour y accéder, il faut traverser la nef, où sont suspendues des dizaines de fragments de cette gravure, comme autant de carcasses d’animaux.

L’espace désacralisé de la Chapelle de Boondael continue à dégager une ambiance très particulière, propre à accueillir des artistes dont le travail fait lien avec une notion de sacré.

C’est le cas de cette vaste installation de Camille Dufour et Rafael Klepisch. Après nous le déluge, titre de l’exposition, comme une interjection, mais sans le point d’exclamation qu’on attend d’habitude à la fin de cette formule. Car ce n’est pas une phrase lancée au monde pour signifier qu’on n’en a cure de la suite des évènements, mais un constat que posent les deux artistes.

La faune et la flore souffre du réchauffement climatique et de très nombreuses espèces disparaissent. Le duo s’empare du sujet et a créé cette installation belle et équilibrée, plutôt spectaculaire. C’est en se promenant entre les grands papiers que le sens, tragique, se déploie.

Camille Dufour a imprimé à la main (sans presse) ces grands fragments, chaque bois gravé encré une seule fois puis imprimé plusieurs fois jusqu’à épuiser l’encre de chaque panneau. L’artiste a frotté le papier sur la planche gravée à l’aide de morceaux de savon, faisant le lien avec une résidence passée qu’elle a fait dans une ancienne savonnerie. Mais aussi, posant ce savon comme un onguent ou un baume réparateur.

Au recto, la gravure, d’abord noire et dense, puis, au fils des papiers, de plus en plus pâle. Au verso, les traces du savon, visqueuses, qui accentuent l’aspect peau et carcasse.

De part et d’autre du chœur, deux grands bois gravés.

Mieux encore, l’oeuvre est rendue collective via un dispositif très précis, pensé par le duo Dufour-Klepfisch : 2000 fragments de cette gravure monumentale ont été distribués aléatoirement dans des boîtes aux lettres à Ixelles. Soigneusement plié, le fragment contient une carte-réponse pré-affranchie qui invite les habitants à se positionner sur la tragédie en cours, à la manière d’une grande consultation. Ainsi, le duo propose que des images sur papier circulent par la poste, et non pas en quelques microsecondes via internet. Le procédé propose d’amorcer un ralentissement.

La matérialité du papier du fragment reçu et du carton-réponse est importante aussi. Elle permet de mettre en jeu le toucher, d’ajouter un sens à la perception du sujet abordé.

Les réponses reçues, très touchantes pour la plupart, sont présentées dans le choeur, sous la grande gravure. On y trouve des textes, des dessins, d’enfants, d’artistes, …

Ce dispositif œuvre à interpeller les habitants sur le sujet de la disparition des espèces, et les invitent à participer à l’exposition.

Sous les hauts plafonds de la chapelle, l’installation invite aussi à se rappeler l’aspect sacré du vivant. On circule comme dans une large matrice, ronde et accueillante, entre les grands papiers et l’on ne peut que faire silence. Après nous, que faire ?

Muriel de Crayencour

Après nous le déluge

Camille Dufour & Rafael Klepfisch

Chapelle de Boondael
Square du Vieux Tilleul 10

Ixelles
Jusqu’au 15 juin, samedi et dimanche de 14h à 18h, ou sur Rdvs

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