Il vous reste une semaine pour mettre le cap jusqu’à la Châtaigneraie , une exposition qui peut se lire sur deux angles d’approche bien distincts. La thématique de la couleur comme langage autonome selon Hermann Amann et puis la volonté de rassembler dans dix salles un panel de collectionneurs.
Au départ, il y a la volonté du commissaire artiste Michel Leonardi de réhabiliter l’oeuvre du peintre Hermann Amann. Un artiste dont l’oeuvre phare l’a fortement influencé .
Les deux artistes se sont connus et ont collaboré à plusieurs reprises. Une belle occasion de remettre en lumière un courant d’art qui a émergé en 1986 sous le label de «Nouvelle Pigmentation». Une manière de repositionner ce courant dans l’histoire de l’art européen. L’exposition nous démontre que son héritage continue d’essaimer dans les nouvelles générations d’artistes contemporains.
Dans la présentation de leur collection, la dizaine de collectionneurs invités ont eu l’opportunité de participer à la scénographie dans l’espace proposé. La plupart jouant le jeu de la couleur et s’alignant en droite ligne dans cette thématique. L’exposition se détache de «Private Views» en offrant aux collectionneurs la primauté du choix scénographique. Une surprise, le couple Charles Beuken qui présente une belle série de monochromes d’artistes belges connus et moins connus, l’alchimie fonctionne entre Marc Angeli et Pierre Martens. A découvrir un magnifique collage d’André Stas. Le petit espace de Michel Hella est bien mis en valeur grâce au filet de papillon de Maria Vita Goral. La collection J&M nous donne l’occasion de redécouvrir un artiste qui mériterait d’être honoré à la hauteur de son talent: Pierre Pétry. Philippe Crismer joue lui un peu le trublion en optant pour une sélection plus adaptée à sa vision de collectionneur, c’est ainsi que l’on a pu découvrir un très beau fusain de Charles-Henry Sommelette à côté d’un magnifique Bernard Villers.
Une exposition qui dans son cadre général fait découvrir aux visiteurs une oeuvre méconnue en apportant un vent de fraîcheur et de joie dans ces temps troublés d’incertitude.
Entretien entre Lino Polegato et Jacques Spiess.
Qu’est-ce que la Nouvelle Pigmentation? Lors du vernissage nous avons posé quelques questions à Jacques Spiess afin qu’il nous éclaire sur la portée originale ce courant d’art.
Jacques Spiess: Prendre un pigment, le poser en essayant de traduire avec une nouvelle pigmentation l’intensité qu’il a en lui, c’est ce que Herbin appelait: l’Etre couleur’ ( La couleur qui recherche son être même). Après, comment le percevoir, c’est autre chose.
Lino Polegato: Il y a quand même des formes qui soutiennent toute cette théorie?
Jacques Spiess: Dans les monochromes il n’y a pas de formes. En fait c’est la couleur qui exprime une forme.
Lino Polegato: La couleur a sa charge émotive?
Jacques Spiess: Regardez ce tableau pendant un certain temps. Vous le décrochez, il y a une présence sur le mur. Pour ne plus rien voir, vous vous retournez mais il y a encore une vie en vous car le tableau vous a imprégné. C’est une expérience qu’il faut faire quand on aime cette peinture.
Lino Polegato: C’est une expérience vécue avec tous les chefs d’oeuvres qui existent…
Jacques Spiess: Non! Dans les chefs d’oeuvres, ce n’est pas la couleur qui retient, c’est le sujet, c’est l’anecdote, c’est l’objet. Le geste ici est engendré par la couleur.
Lino Polegato: Herman Amman aurait pu figurer dans les Nouveaux réalistes au même titre qu’Yves Klein avec ses recherches sur la pigmentation?
Jacques Spiess: Il aurait pu, mais il ne voulait pas. Il voulait être plus loin intellectuellement, il était passionné par la philosophie et par la littérature sans jamais vouloir faire de la peinture littéraire. Pour lui la peinture ce n’est pas un objet, c’est une réflexion.
Peindre la couleur
Du 19 novembre au 17 décembre 2023 + du 05 au 14 janvier 2024
A la Châtaigneraie se clôture sous le signe de la couleur ! Plus d’une cinquantaine d’artistes, issus de collections privées belges et françaises, sont réunis autour du courant de la « Nouvelle Pigmentation » et du « Mouvement(s) de la couleur en Europe ». Une occasion unique de découvrir des œuvres habituellement lovées dans l’intimité de leurs propriétaires.
Collections françaises :
Françoise et Jean Boucher, Philippe Delaunay, Yannick Pommellet, Jacques et Lionel Spiess.
Collections belges :
Charles Beuken, Philippe Crismer, Michel Hella, J&M, Stefan Uhoda, Didier Vaiser.
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