Si loin de l’ordinaire : Pierre Petry

À la galerie de Wégimont, un vibrant hommage est rendu à Pierre Petry, qui nous a quittés en 2017. Sous le commissariat de Dominique Mathieu, cette petite rétrospective nous offre un aperçu des différentes phases créatives qui ont jalonné son parcours. C’est ainsi que l’on retrouve pêle-mêle les œuvres des débuts, à caractère spécifiquement sculptural, principalement centrées sur le bestiaire animalier (poules, oiseaux, moutons), associées à celles de la fin de son parcours où l’artiste, par nécessité physique, se voit contraint de s’abandonner exclusivement au dessin, suite à l’annonce de sa maladie — un cancer qui l’accompagnera durant pratiquement les dix dernières années de son existence.

Red Rabbit, huile sur papier, 38X33cm

De la sculpture au dessin : une renaissance créative

Étrangement, au lieu de se laisser abattre, l’artiste retrouvera dans le développement du dessin une nouvelle renaissance et le plaisir de créer. Durant les deux dernières années de sa vie, il développera une technique particulière qui le libérera totalement de la contrainte de la représentation, s’engageant pleinement dans l’acceptation du trait libératoire. Il me confiera dans sa dernière interview : « C’est le trait qui me porte ; c’est le trait qui me guide. » C’est la découverte du bâton à l’huile et sa maîtrise qui lui donneront les clés pour franchir une nouvelle étape : « En dessinant comme ça, je continue à vivre, je retrouve plus de plaisir avec le dessin qu’en faisant de la sculpture. » Pour lui, c’était une forme de libération, une sorte de jaillissement de la vie. Un soulagement aussi : « Ne plus devoir faire mon modelage, mon moulage et la coulée avec cette inhalation subie durant quarante ans… »

Il développera alors, durant les dernières années de sa vie, une méthode de travail qui le singularisera : il part d’une forme projetée sur une feuille de dessin, en général des parties d’animaux (têtes de face ou de profil), qu’il dessine en rouge pour les superposer par la suite à des formes abstraites provenant de dessins automatiques : « Je laisse courir mon bic sans regarder. » Le résultat est surprenant et désarçonne le spectateur.

Léguer l’œuvre, prolonger l’élan

Il est heureux que la Fondation Province de Liège pour l’Art et la Culture ait pu regrouper une grande partie de l’œuvre de Petry, préservant ainsi son héritage de la dispersion. Ce projet, initié en 2017 par Paul-Emile Mottard, Guy Vandeloise et Juliette Rousseff, assure la pérennité d’un travail immense et précieux.

Grande amie de l’artiste, Dominique Mathieu donne à voir une sélection d’œuvres représentatives de son parcours artistique. Elle a choisi en priorité, par goût personnel et en fonction des espaces mis à sa disposition, de privilégier les représentations animalières au détriment des compositions aux allures polymorphes qui peuplent également son bestiaire. Ces œuvres expriment le penchant de l’artiste pour la dualité du rapport homme-animal. La commissaire a voulu privilégier une approche plus douce de l’œuvre qui nous reconnecte à un imaginaire poétique, propre à chacun d’entre nous depuis l’enfance. On a tous en nous quelque chose de Pierre Petry nous rappelle Dominique Mathieu.

L’exposition, qui ne se veut pas exhaustive, est manifestement une réussite. A voir absolument, même si, en fin de parcours, comme déjà souligné, elle laisse un goût de trop peu tant l’œuvre de Petry est gigantesque et regorge encore de pépites en sommeil. À ce titre, je milite pour que cette Fondation devienne une véritable mine à trésors en offrant un nouveau décollage à toute l’œuvre, et qu’elle permette à de jeunes ou moins jeunes commissaires de s’essayer aux joies du commissariat en nous proposant de nouvelles pistes exploratoires. Un nouveau décollage pour l’œuvre de Petry ?  Tel est le défi qui se profile à l’horizon.

Je vous livre ci-dessous le lien vers une interview que j’avais menée avec Pierre Petry en janvier 2017, un mois avant sa mort. Prenez le temps de la découvrir, vous y verrez toute la grande humanité qui se dégageait de sa personne. Il nous explique, avec une grande simplicité, comment son travail avait progressé et évolué suite à la maladie. Pierre, grâce au dessin et au choix technique approprié, avait réussi à transfigurer son art au point d’abandonner totalement la sculpture pour trouver in fine la voie royale qui le porterait vers les hautes cimes.

Je terminerai en citant le commentaire d’Alain Géronnez après avoir visionner cette vidéo sur ma page YouTube : « L’énergie que dégagent ces traits, c’est la vie que l’on n’a plus peur de perdre. »

Lino Polegato

Pierre Petry. À la galerie de Wégimont
Du 10 mai au 22 juin 2025

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