Matérialiser l’invisible à l’Ikob

Avec « In/Visible », l’Ikob poursuit son ambitieux questionnement sur le fondement d’une collection ainsi que sur les objectifs et la définition même de ce que devrait être à l’heure actuelle une institution muséale dédiée à l’art contemporain. Dans cette perspective, le musée invite 49 Nord 6 Est – FRAC Lorraine à présenter une partie de sa collection. Particulière, cette collection développée depuis 1983 l’est. Constituée principalement d’œuvres protocolaires et performatives, elle s’interroge inévitablement elle-même et se réinvente presque à chaque exposition.

Loin de ces immenses réserves, dont on imagine les dédales créés par les rayonnages et les caisses de stockage, elle devient physiquement éphémère, en suspens, et ne se matérialise qu’en présence d’un espace et d’un instant précis. Comme le mentionne Béatrice Josse, conservatrice du FRAC Lorraine, la collection questionne et souligne surtout la mutation de l’institution muséale qui, plus qu’un lieu de conservation, devient un véritable lieu d’expérimentation. C’est donc à travers ce prisme de l’« In/Visible » que l’Ikob propose un nouveau parcours au sein de ses espaces d’exposition. Les œuvres sélectionnées, une vingtaine au total, sont toutes à la limite du visible, réactivées le temps de l’exposition avant de reprendre leur forme intangible. Performances1 et installations se complètent pour offrir une vision renouvelée du musée. Car si le lieu révèle les œuvres, celles-ci révèlent tout autant l’espace muséal. Dans ces conditions, le musée devient un vrai terrain de jeu pour les artistes et les commissaires de l’exposition. Certaines œuvres forcent le regard en étant à peine visible à l’œil nu. Comme « Résister, c’est rester invisible » de Kader Attia qui, si elle joue à cache cache par ce blanc sur blanc, demeure ancrée dans la tête de celui qui l’a composée sur le mur et de ceux qui arriveront à la déchiffrer. Ou « Forever Immigrant » de Marco Godinho qui, à force de s’imprimer sur le mur, finit par disparaître tout en marquant de son sceau cette sensation de ne jamais vraiment appartenir à un territoire bien défini. D’autres s’attachent à mettre en singulièrement en évidence l’espace et la place que nous y occupons, telle « Singularity » d’Alexander Gutke qui, plus qu’une tentative de mesurer les murs sur lesquels la bobine se déploie, s’attache davantage à nous inscrire dans un espace-temps particulier. Ou encore l’installation de Angels Ribé qui nous positionne par rapport aux points cardinaux de façon à rendre perceptible mentalement et physiquement l’Ikob dans l’espace.

Céline Eloy

in FluxNews 67

 

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