MAIS OÙ SONT PASSÉS MES RÊVES DE CERFS?

Salle de la Rotonde, revisitation du Mythe d'Actéon par François Lelong.

Cela faisait des années qu’il en rêvait… Willy Dory a finalement concrétisé ses rêves de cerfs en devenant le commissaire d’une exposition regroupant un collectif d’artistes autour de cette thématique. Beaucoup de monde l’ignorait, mais ce Bastognais pure souche cultive depuis de longues années une passion pour le roi des forêts.  Ses connaissances pointues du monde de l’art et sa ténacité lui ont permis de réunir quelques belles pièces. Une sélection internationale bien ciblée vient se greffer à une sélection nationale de haut vol. Les déclinaisons sont multiples et les surprises de taille. L’humour, l’Eros et le Mythe sont au rendez-vous. L’expo a fière allure et on l’espère pourra voyager sous d’autres cieux. 

Son tour d’horizon à 360° brasse large: l’art contemporain est bien sûr mis en avant mais sans oublier des pièces historiques de qualité. La conversion de Saint Hubert en a inspiré plus d’un. À épingler, un bois polychrome magnifique du Maître de Waha.  L’exposition débute avec un grand dessin au fusain et encre de chine de Michael Dans. Avec son humour décalé, l’artiste liégeois revisite la confrontation loup-cerf. Il détourne la vocation guerrière de ce duo et la remplace par un jeu comico-érotique laissant entrevoir un bouleversement des codes au niveau du statut dominant-dominé. Face à cette oeuvre, les photos d’Edmont Dauchot nous parlent des retours de chasse. La mort rôde et se donne en spectacle à travers des coffres automobiles grands ouverts et des charrettes qui deviennent l’espace d’un moment des réceptacles-reliquaires de fortune pour corps glorieux. Continuant dans cette direction, la photo de Daniel Michiels est elle aussi suggestive. Devant une stèle funéraire, une biche étalée sur le sol, sommeille en silence pour l’éternité. Le décor est planté. Elle nous fait prendre conscience de la fragilité d’un monde en voie de disparition.

Charles Fréger, photographies

Pour la suite du parcours, les photos de Charles Fréger fonctionnent comme une mise en bouche nous plongeant dans le vitalisme. Dans la série des métamorphoses liées à l’éternel retour des moissons, il y a la danse du cerf au Japon. En vue d’obtenir une bonne récolte, l’aspirant danseur se coiffe d’une tête de cerf pour réactualiser le cycle du printemps. Les photos de l’artiste français contextualisent les danseurs dans leur relation au monde végétal.

La peinture et la sculpture sont également bien présentes. Stief Desmet n’hésite pas à revisiter cette thématique en mixant le pop, les imageries populaires issues des bandes dessinées dans sa peinture. Ses sculptures ont un côté plus réaliste. En multipliant les techniques, polyester, bronze et en n’oubliant pas la feuille d’or au niveau de l’encolure, il nous fait basculer dans la gravité et le sacré.  Un sacré enfoui au plus profond de son évolution journalière puisque le cerf participe directement à ces lois cycliques qui relient notre animalité profonde aux lois de renaissance des végétaux. En perdant ses bois chaque année en hiver et en les retrouvant au printemps suivant, il participe à cette renaissance permanente. Comme me le précise Willy Dory, la repousse de sa couronne se fait au rythme régulier d’un cm par jour.

Quelques artistes femmes dans cette exposition. Dans son installation, Myriam Hornard présente sur deux étagères une série de cornes de cerfs à dimension variable. Par la diversité des matériaux utilisés (cire, bronze) elles nous font penser, à un cabinet de curiosités. Ses moulages des petites cornes en cire proviennent de récupération de cierges d’églises. Une nouveauté dans la scénographie: confortablement assis dans un salon spécialement aménagé le visiteur aura l’occasion de découvrir une pièce audio de Claudie Hunzinger. La plasticienne et romancière nous propose de partager des extraits de son livre Les grands cerfs, nous pouvons ainsi revivre avec elle quelques moments privilégiés d’émotions glanés lors de ses moments d’observations. L’Éros est également présent dans de nombreuses oeuvres, la période du brame et de l’accouplement est magistralement traitée comme la magnifique sculpture emblématique L’appel de la forêt du grand Maître animalier Jean Gaspar, décédé en 1937. Face à cette oeuvre réaliste se profile une série de planches B.D. On y découvre Didier Comes et son incontournable style narratif peuplé de noirs profonds. Jean-Claude Servais, amateur, lui aussi de contes et légendes, étonne par la vivacité de son trait captant avec grâce l’instant de l’accouplement. Tout aussi percutante au niveau du cadre de l’action, la peinture La décharge de Philibert Delécluse nous montre un cerf copulant dans une forêt face à une décharge sauvage. 

Le plat de résistance nous attend en fin de parcours. Dans la salle dite de la Rotonde nous nous retrouvons nez à nez devant un magnifique Minotaure revisité au goût du jour par l’artiste français François Lelong. Ce dernier réactualise le mythe d’Actéon, ce chasseur transformé en cerf par la déesse et dévoré par ses propres chiens. L’artiste transforme le mythe en permettant au héros déchu d’échapper aux chiens et d’errer de par le monde. 
Le site de l’Orangerie est une aire de repos idéale pour méditer sur le sort de notre humanité…
Sa dernière exposition est à voir de toute urgence!

L.P.

« Cerf, cerf ! »
(collectif)
23.04 > 29.05

Visite de l’expo sur youtube: https://youtu.be/_R8H6R302Zk
L’Orangerie, Bastogne
Didier Comès, Michael Dans, Edmond Dauchot, Philibert Delécluse, Stief Desmet, Luc Doerflinger, Charles Fréger, Dominique Goblet, René Hausman, Myriam Hornard, Claudie Hunzinger, Daniel Michiels, Fernande Petitdemange, Eric Poitevin, Jean-Claude Servais.
  

1 Comment

  1. Merci pour cet article, Cher Lino, Je suis content que mon propos a trouvé écho à ta propre sensibilité. Normal, me diras-tu toi l’amoureux d’un autre animal mythique. Je t’embrasse, W

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