Les créatures issues du métal et des soudures de Jean-Claude Saudoyez intriguent toujours. Elles sont à la fois si proches et si éloignées de nous.
Les personnages étranges de Jean-Claude Saudoyez s’essaient à l’équilibrisme. Leur masse métallique les condamne à se trouver instables dans les univers qu’ils arpentent en dehors du lieu qui est originellement le leur. Ailleurs.
Autre part. Là où leur créateur les a dessinés : dans un environnement noir jais qui empêche de détailler l’endroit où ils se tiennent, avec leur sexe incertain et les animaux domestiques qui les accompagnent. Là d’où ils nous observent, figés par les traits comme dans une bande dessinée naïve. Là d’où rien encore n’a été dit parce que les paroles restent engluées dans l’obscurité.
Eux alors, avec leur peau de métal oxydé, leur sexe d’évidence, leur regard en creux, nous font et se font à eux-mêmes la démonstration qu’ils sont capables de jouer les acrobates, quel que soit le poids de leur cerveau potentiel ou des parties de leur corps semblant peser davantage que d’autres.
L’un d’eux commence par le prodige de la lévitation. Accrochés à des cordages, suspendus à un arceau, ses congénères tiennent par la répartition invisible de leurs organes internes. Ils s’adjoignent une légèreté invraisemblable. À l’exception de l’un(e) d’entre eux, claustré dans un véhicule à trois roues, proche de la chaise à porteur, laissé, lui, dans l’abandon de tout conducteur.
Quoi qu’il en soit, ces créatures en train de s’amuser dans le plus grand désordre, en deviennent moins inquiétantes. À moins qu’il ne s’agisse, de leur part, que d’une ruse : faire mine de n’être que des individus ludiques afin de mieux nous circonvenir.
Mais puisque la parole ne semble pas leur fort, ils ont délégué les mots à un trio d’écrivains dont les vers sont gravés par oxydation dans le même métal qu’eux, une façon comme une autre pour signifier que les mots écrits leur appartiennent aussi. Hugo Fontaine (si seulement nous avions / des yeux de lynx), Camille Nicolle (manque l’origine / les mots défaillent) et Jean-François Saudoyez (une histoire fendue / que le cafard nomme).
Les dessinés et les sculptés nous cernent de par le haut et de par les côtés. Il nous reste à les épier en silence, à nous glisser entre et près d’eux, en priant dieu sait quelle divinité à inventer que les mâchoires de ces cynocéphales n’aient pas de dents trop aigües car notre épiderme n’est pas en acier. Voire en souhaitant qu’ils nous guident par quelque symbolique encore inconnue s’ils nous veulent plutôt du bien.
Michel Voiturier
« Capharnaüm » à l’Arrêt 59, 59 rue des Français à Péruwelz, jusqu’au 28 octobre2016. Infos : +32 (0)69/45 42 48 ou www.arret59.be/
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