Jean Glibert. Peintre en bâtiment

Jean Glibert Bozar, ©FN

Quand l’art de la rue rentre à la maison

1960, l’art sort des musées pour investir l’espace urbain. Entre autres conséquences de cette libération hors les murs, l’adoption du grand format ou la simplification de l’écriture. Quelques dizaines d’années s’écoulent, le mouvement s’inverse. L’art fabriqué dans la rue, pour la rue, s’expose dans les musées. Après Buren en 2016, Bozar expose Glibert en 2017. S’il est confortable de voir réuni au sein de quelques m² des travaux a priori destinés à ne jamais se rencontrer, n’est-il pas paradoxal de présenter hors contexte un art tout entier dédié à son contexte ?

 

Jeudi 27 octobre 2017, 18h30, BOZAR ouvre le vernissage de sa nouvelle exposition : Jean Glibert. Peintre en bâtiment. L’occasion de mettre en lumière un travail trop peu connu, et pourtant bien présent dans l’espace public. L’occasion encore de revenir sur 50 ans d’une carrière hors norme. Quoique… Sur la carrière hors norme, pas de doute. Dès ses études en Peinture Monumentale, Jean Glibert exprime la volonté de quitter l’atelier pour nouer contact avec l’artisan et se confronter aux conditions réelles. Les choses prendront du temps, certes, mais il parviendra à se faire reconnaitre dans un domaine qu’il a, en quelques sortes, contribué à créer. Jean Glibert met en couleur le quotidien. Plus concrètement, il intervient plastiquement sur les éléments du paysage urbain. La démarche n’est pas inédite, certes. On pourrait citer Buren ou Christo parmi ses homologues les plus connu. Le comment de la démarche est en revanche moins banal. Et c’est en axant le propos sur le comment que l’exposition au BOZAR se démarque de la rétrospective. Alors non, il ne s’agit pas de revenir sur 50 ans de carrière. Il s’agit non seulement de montrer une recherche en cours, mais aussi de créer de nouvelles interventions in situ.

 

Comment travaille le peintre en bâtiment – tel que se revendique Jean Glibert ? Comment trouver la couleur et l’application justes, qui soient capables de donner une nouvelle dimension au banal ? En se nourrissant du banal justement, ce qui prend deux aspects chez Jean Glibert : d’une part, une tendance compulsive à la collection ; d’autre part, une analyse fine du contexte à investir. Ces deux aspects constituent la forme et le fond de l’exposition au BOZAR. Sur la forme, on découvre des séries d’objets rassemblés par thème, tous faisant partie de la collection privée de l’artiste, et plus que tout de son imaginaire de création. On découvre encore des dessins et des maquettes de projets antérieurs ou de projets avortés, qui deviennent matière d’inspiration pour les projets futurs. On découvre enfin quatre œuvres inédites, réalisées à même les murs du musée. Sur le fond, et c’est là le génie des 3 + 1 co-commissaires[1], il s’agit de montrer l’univers dans lequel évolue Jean Glibert, et de mettre celui-ci au travail. Les in situ s’affichent ainsi comme les résultats d’un processus de dissection du bâtiment, tel qu’aurait pu le développer l’architecte. La superposition du plan de BOZAR et de celui de Bruxelles révèle des espaces résiduels (les puits de lumière chez Horta) et dicte la localisation des interventions. La proportion des espaces et la définition du parcours des visiteurs en dictent les contours et les nuances. A noter d’ailleurs que ce parcours s’inscrit dans celui de la ville, puisqu’il permet de joindre entre elles deux rues voisines[2]. Soit une expérience gratuite et inattendue – en parfaite cohérence avec la démarche de l’artiste.

 

Charlotte Lheureux

 

 

Exposition organisée du 27 octobre 2017 au 7 janvier 2018

BOZAR – Palais des Beaux-Arts – rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles

Commissaires : Emmanuel De Meulemeester, Michel De Visscher et Laurent Jacob

 

Publications:
De Meulemeester, E., De Visscher, M., Glibert, J., Jacob, L., (dir.) Jean Glibert. Peintre en bâtiment, Bruxelles, Cellule architecture de la FWB, 2017
Balau, R., (dir.), Jean Glibert, Bruxelles, Cellule architecture de la FWB, vol. 2, 2017 (Collection Fenêtre sur)

[1] Emmanuel De Meulemeester, Michel De Visscher et Laurent Jacob, auxquels se joint Jean Glibert – partie prenant dans la scénographie et son contenu.

[2] Une disposition hélas rendue impossible par le relèvement du niveau de sécurité.

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