Jean Glibert (20 février 1938 – 20 janvier 2024)
« La peinture qui n’est vue que par un public restreint n’existe pas, la peinture n’est ni l’émanation d’un individu ni le privilège d’une classe sociale : la peinture est un bien collectif. Donc, la peinture sera là où notre vie est, là où elle peut être vécue par le plus grand nombre : l’architecture en somme. Elle sera élément de l’instant. » Cet extrait d’un texte rédigé par Jean Glibert, présent sur le carton de l’exposition « 85 Panneaux-Circulations » dévoile les aspirations du jeune peintre en 1971 : offrir la peinture, mélanger l’art à la vie.
Il choisira volontairement un parking comme lieu pour cette première exposition personnelle, amorce de ses interventions liées à l’espace. Tout ce qui établit la singularité de son travail y est déjà présent : la réflexion sur les supports, la technique qui découle des outils manipulés, les couleurs qui émanent des matériaux comme l’intérêt pour les aspects (mats, satinés, brillants, structurés, translucides, réfléchissants) et les propriétés intrinsèques des matériaux industriels (protection solaire, contre la corrosion, l’usure, etc.).
Jean Glibert nous a quittés ce 20 janvier 2024, à l’âge de 85 ans. Un jour où il faisait tout blanc. Les paysages se sont glissés sous la neige pour son départ.
Cet artiste généreux a œuvré dans l’environnement bâti, aussi bien au sein d’édifices que dans des espaces publics, et ce pendant plus de 50 ans. Son œuvre est riche de plus de 200 interventions. Des interventions couleurs – matières – formes – lumières qui émanent d’une lecture fine des spatialités, des compositions, des caractéristiques d’un bâtiment ou de son environnement immédiat qu’il repérait – parfois avant même qu’il ne se construise ou se formalise. Il travaillé en collaboration avec de nombreux architectes et ingénieurs mais n’a jamais délaissé la peinture en atelier.
Dans ses interventions dans l’architecture, l’artiste se mettait à la disposition des lieux, à l’écoute des spécificités. Travailler avec Jean Glibert, c’était le voir intervenir là où on ne l’attendait pas. Il avait cette capacité d’appréhender l’espace autrement, de le questionner, de chercher à le comprendre dans sa globalité. Travailler avec Jean Glibert, c’était partager son exigence, exigence vis-à-vis de lui-même, exigence dans le travail. Il n’appliquait pas de recettes, n’avait pas de manies. Il aimait aller au fond des choses et partageait volontiers son humour, son savoir-faire et son émerveillement.
Sa double intervention terminée en 1976 dans le métro Merode est une seule réflexion sur le mouvement, la vitesse et la lumière par la composition de carrelages standards émaillés. Sur les murs face aux quais, le long des voies, il intervient avec les matériaux mêmes de la construction. Avec malice, il disait que c’était une œuvre qui n’avait rien coûté, pas un centime de plus que les carreaux de céramique et leur pose. Dans une recherche minutieuse réalisée sur papier millimétré, l’artiste mit au point un système de composition sur base de cinq couleurs qui se découvrent depuis les rames, au plus proche de la couleur, tout comme dans l’attente, face aux 100 mètres de quai. L’œuvre monumentale se poursuit dans les couloirs, les accès et jusqu’à la gare ferroviaire de Merode. À la main, il a tracé tellement de variantes… que les plans finaux furent tirés en noir et blanc. Ils comportent une légende avec les cinq couleurs numérotées – dont une reproduction inédite est imprimée dans Flux News #93. Jean aurait souri de voir la possibilité de la couleur s’insérer dans ces pages.
Michel De Visscher et Cécile Vandernoot
Pour en apprendre plus jeanglibert.com
JEAN GLIBERT, sous la direction de Raymond Balau, Fédération Wallonie-Bruxelles, Cellule architecture, collection « Fenêtre sur », N-2, 2017
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