L’exposition « Hoe? Boer! – Dada voor nu, en voor straks, dada voor altijd » (« Hoe? Boer! Dada maintenant, demain, Dada pour toujours ») met à l’honneur un peintre oublié du siècle passé : Wout Hoeboer (1910-1983). Des dizaines d’œuvres retracent l’histoire de cet artiste anticonformiste, qui a toujours refusé le dogmatisme des courants esthétiques.
« Hoe? Boer! » (« Comment ça ? Paysan ! »). C’est avec ces mots que, dans une carte postale de 1958, Victor Servranckx s’adresse à Wout Hoeboer. Hoeboer… Ce nom vous est étranger ? Pourtant, il ne l’était pas dans le monde de l’art du siècle passé : ce peintre a fréquenté les plus grands de son époque et a connu une carrière internationale, avant d’être petit à petit oublié… Le Muzee d’Ostende veut ainsi remettre au goût du jour cet artiste étonnant, singulier, protéiforme, mais tellement reconnaissable.
Cette rétrospective foisonnante, rendue possible grâce à une donation conséquente, veut retracer les grandes étapes de la carrière artistique de Hoeboer. Anticonformiste, le peintre d’origine hollandaise a abordé les plus grandes esthétiques de son temps.
Voici un aperçu des différentes facettes de cet artiste méconnu.
Hoeboer, le Dilbeekois
Dilbeek, c’est un peu le Paris de Hoeboer… Il a déménagé dans cette petite ville du Brabant flamand en 1938, y a développé son art et y a rencontré des artistes qui auront une grande influence sur sa carrière : Victor Servranckx et Jean Brusselmans.
Pendant ses jeunes années, Hoeboer explore les chemins géométriques de l’art abstrait. Les formes massives de Brusselmans sont naturellement une source d’inspiration pour le jeune peintre. L’exposition du Muzee permet de confronter les premiers tableaux de Hoeboer avec de sublimes grands formats de Brusselmans. Les correspondances formelles et thématiques sont au rendez-vous et cette mise en parallèle rend les œuvres des deux artistes encore plus fascinantes. Les corps massifs et les puissants volumes s’appellent et se répondent dans une atmosphère mélancolique d’Europe du Nord.
Hoeboer, le Cobra
Le goût de l’expérimentation et de la spontanéité de Hoeboer est rapidement entré en résonance avec les recherches des artistes de Cobra. Même si Hoeboer ne voudra jamais faire partie de cette avant-garde septentrionale, il est resté en contact avec le « porte-parole » du mouvement, Christian Dotremont. Les deux artistes partageaient en effet une même fascination pour la calligraphie et le geste. À côté d’une œuvre de Hoeboer, se trouve d’ailleurs un logogramme percutant du poète de Tervuren : « Mieux vaut être gravement atteint que grièvement superficiel ».
Dans la salle centrale du Muzee, les œuvres des grands « maîtres » de Cobra sont accrochées à côté des œuvres de Hoeboer, permettant au visiteur de situer un geste artistique dans une époque. On retrouve, entre autres, un grand format inquiétant d’Asger Jorn et une puissante œuvre aux traits enfantins de Corneille.
Hoeboer, le Dada
Hoeboer est le plus souvent associé au mouvement Dada, pourtant sa relation avec le mouvement radical est loin d’être un long fleuve tranquille. L’artiste se qualifiait volontiers de « pamapadadaïste » et refusait toutes les étiquettes. « Pamapadada, je vis et ça me suffit », déclarait-il…
En 1957, il organise notamment une exposition intitulée « Ant’-dadaïsme ». Derrière ce titre ironique se cache une critique de l’histoire de l’art, qui classe tout, même les mouvements les plus radicaux.
À la fin de sa carrière, Hoeboer est entré en contact avec les artistes italiens de l’Arte Nucleare. Enrico Baj et Sergio Dangelo deviendront d’ailleurs ses amis et Hoeboer, allergique aux doctrines esthétiques, signera même, pour la première fois de sa carrière, un manifeste collectif, intitulé « Contro lo stile ». L’artiste fera des voyages en Italie et exposera avec succès à Venise.
Les rétrospectives d’artistes peu connus sont toujours un pari risqué. Le musée qui décide de se lancer dans un tel projet doit fournir un énorme travail de documentation et mettre en place une communication efficace pour combler l’absence de « grands noms ». On ne peut donc qu’encourager le Muzee pour le travail muséologique et pédagogique accompli. Hier, Hoeboer était un nom presque inconnu. Aujourd’hui, il fait partie des artistes du patrimoine.
Romain Masquelier
Jusqu’au 5 janvier 2020, au Muzee (Ostende)
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