Jadis, à l’école maternelle, on tressait de fines bandes de papier en mariant les couleurs, approche inconsciente d e l’art abstrait. Aujourd’hui, peut-être a-t-on d’autres pratiques ludiques. Toujours est-il qu’Eddy Devolder (1952, Ixelles) a retrouvé ce plaisir-là.
Il raconte qu’un jour, lisant un livre ennuyeux, il a fini par en lacérer les pages. Le déclic était donné. Le résultat a effacé l’ennui. Il pratique maintenant ce genre de tissage qu’il a intitulé « Grille de parole » en empruntant l’expression au poète Paul Celan.
Il s’amuse donc à agencer des motifs qui peuvent au départ sembler purement décoratifs. Il est vrai que certaines compositions rappellent des travaux d’op art. Mais plus que de miser sur des effets optiques, Devolder se comporte à la fois comme un licier et comme un écrivain. À la façon, du premier, il réalise un véritable tissage en accumulant la matière des bandes de papier. À la façon du second, il aligne des signes graphiques qui forment des sortes de phrases qui ne se décryptent pas selon des alphabets connus.
D’évidence, l’influence de productions visuelles bantoues a marqué l’artiste lors de ses séjours en Afrique. Il y a là des motifs qui se retrouvent sur des tissus locaux. Les variations sont infinies. Elles jouent sur les formes, sur les coloris, sur l’alternance des formes pleines et des formes creuses parce que vides de peinture, sur le choix opéré au moment d’assembler les lanières.
Reste à se laisser bercer par les mouvements qui se sont élaborés par les combinaisons. C’est à l’imaginaire de trancher. Il y a là des ondulations liquides ou sonores. Il y a des associations de jeux de meccano. Il y a des ensembles qui, notamment à cause de quelques traits cernant et d’une luminosité particulière prennent des apparences de vitrail. D’autres apparentés à des circuits intégrés pour ingénieur en informatique. Même aussi des éléments concrets suggérés, intercalés comme des sortes de filigranes en surimpression. Et parfois des plans urbains vus du ciel où paraissent circuler des véhicules en permanente mobilité. Ou encore, pourquoi pas ?, des grouillements bactériologiques.
Devolder en a profité pour collaborer avec deux amis plasticiens très différents : Lionel Vinche (1936, Antoing) et Jean-Pierre Ransonnet (1944, Lierneux). Le premier illustre des écrits qui tiennent aussi bien du conte que du journal intime ; le second laisse percevoir son obsession des forêts d’Ardennes. Cette confrontation sans compétions entre les trois artistes élargit le champ, déjà assez vaste, d’une créativité qui apparaît de l’ordre du foisonnement, continuité de courants qui n’ont jamais cherché à se mettre au diapason des modes.
Michel Voiturier
Exposition tenue au Centre Marius Staquet, place Charles De Gaulle à Mouscron du 20 novembre au 20 décembre 2015.
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