La tradition des tissus teints est ancienne. Elle a évolué plus rapidement dès l’usage sous l’ère coloniale des produits chimiques importés par les colonisateurs. C’est un artisanat qui n’a cessé de se développer. Particulièrement aujourd’hui puisque, comme le souligne Patricia Gérimont, les diktats du FMI de la Banque mondiale ont jeté au chômage nombre de personnes dont beaucoup se sont lancées dans la teinturerie à Bamako.
Les procédés anciens sont multiples et toujours pratiqués. S’y sont ajoutées des broderies. Actuellement, il est prévisible que des changements se produisent tant dans la fabrication que dans les motifs car l’impression sérigraphique se répand et la broderie bénéficie de l’apport de machines remplaçant le travail manuel.
Certains motifs se rattachent à la création actuelle dans la mesure où ils font penser au travail plastique de Claude Viallat ou à de Niele Toroni, par exemple. Le fait de montrer les « bazins » dans un musée ou une salle d’exposition renforce évidemment leur valeur artistique même si leur ornementation n’a rien de symbolique, se cantonnant le plus souvent à du décoratif. Comme l’affirme le plasticien local Mobido Samake : « Les teinturières cherchent à faire joli. Les artistes font en sorte que ça parle » ce qui nous renvoie vers le récurrent débat en vue de distinguer art et artisanat.
L’ensemble est chatoyant, joyeux, ludique même. Et a été la source d’inspiration d’une série de créateurs actuels soit de manière directe lors d’un workshop à Bamako, soit par imprégnation lors de rencontres ou d’expos.
Ariane Bosquet (1959, Bruxelles) s’est servi des fruits d’un flamboyant afin d’imprimer leur forme sur tissu. Ann Grossi (1958, Bruxelles) a travaillé le batik afin d’y apposer des formes rappelant la mer telle qu’elle peut être sereine et calme mais aussi celle qui engloutit les migrants clandestins.
Amadou Sanogo (1977, Ségou) a transposé des sujets plutôt figuratifs dans une sorte de hiératisme évocateur. Sira Sissoko (1972, Ségou) a aussi utilisé la technique du pinceau trempé dans la cire pour confectionner des compositions mêlant des matières naturelles. Modibo Samake (1972, Ouélessébougou) décline des carrés en quinconce misant sur le jaune et le rose, s’inspirant d’un travail de De Weerdt.
Les invités, de leur côté, Isabelle de Borchgrave (1946, Bruxelles), Véronique Demeffe ((1984, Liège), Romy De Weerdt (1960, Bakuanga), Alexandre Eudier (1980, Harfleur), Daniel Henry (1976, Tournai), Caroline Léger (1963, Linselles), Julie Menuge (1984, Maubeuge), Isa Tio (1957, Barcelone), Arlette Vermeiren (1937, Etterbeek) et Fanny Viollet (1944, Angoulême) ont découpé, assemblé, plissé, noué en une grande variété de trouvailles. Ils ont de la sorte associé leur art à celui des pratiques ancestrales africaines.
Michel Voiturier
Exposition « Bazins du Mali » a eu lieu en la Maison de la Culture de Tournai du 18.01 au 01/03/2015.
Catalogue : Patricia Gérimont, « Bazins du Mali. Du textile vestimentaire à la création contemporaine », Tournai, Maison de la Culture, 2015, 102 p.(15 €).
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