Toutes lettres dehors et sans voiles, celles de son nom se retrouvent dans celui de « satrape », un des échelons au sein du Collège de Pataphysique dont il était membre comme Régent, dont l’enseignement peut se donner par tous les véhicules, dont celui du moulin à paroles. Stas aimait manifester cette appartenance par le signe de la gidouille, la spirale ouverte sur l’infini. Il avait la mémoire longue, notamment celle d’une question que lui fit en des temps lointains un critique d’art de la télévision :
Vous faites des collages parce que c’est plus facile que la peinture ?
C’est le genre de réflexion qui peut rester en travers de la gorge, toute honte bue par ailleurs. Dans les collages, des « apostilles », qu’il a conçus pour le film Le Pavillon des Douze, de Claude François, Stas avait fait le choix de montrer son bestiaire, une galerie d’animaux chimériques et souvent monstrueux. Bien qu’inquiétants ou supposés redoutables, ils n’en demeurent pas moins sympathiques.
Le 16 mars 2017, lors du vernissage de son exposition à l’Espace d’Art le Neuf, à Marilles, il montra notamment des palimpsestes d’images prélevées dans des magazines hot et hard. Après les avoir minutieusement examinées, Claude fit cette observation à André :
Je vois que tu t’es encore bien amusé.
André lui répondit :
Que veux-tu que je fasse d’autre ?
C’était là une réaction amusée, comme il se doit, dans la ligne de l’esprit surréaliste, décapant, d’où le fait que, dans un vernissage, il s’agit de faire autre chose que de s’appliquer sagement un vernis. La conversation allait en effet se poursuivre avec l’évocation de la perte d’un chapeau melon de Magritte dans les eaux tumultueuses de la Meuse, et celle de la dévoration d’un riche collectionneur par ses chiens enragés. Le débordement du Wayai en juillet 2021 lui valut néanmoins la trouille de sa vie.
Dans le collage publié peu après le décès de Marcel Mariën, en 1993, il avait fait figurer celui-ci dansant le twist parmi les squelettes d’une gravure ancienne représentant une bacchanale macabre, comme un joli pied-de-nez à la grande faucheuse. Alors autant rire de bon cœur, tant qu’il nous prête vie.
André n’était pas homme à faire des histoires, il préférait en raconter pour amuser, comme il l’écrit dans Bref caetera, son dernier recueil d’aphorismes paru à La Petite Pierre, pas tombale cependant.
Philippe Dewolf
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