Il y a deux ans, lors d’un passage éclair à La Louvière, j’ai pu rencontrer André Balthazar et Jacqueline son épouse. Sans rendez-vous programmé, André Baltazar, déjà malade, m’accorda quand même un entretien. L’entretien improvisé fut donc archivé. La disparition soudaine d’André Balthazar le 22 août dernier, il avait 80 ans, me donna l’occasion de sortir de l’ombre cette entrevue. L’entretien dans son intégralité est visible sur notre site et sur le blog. L’homme de lettres, poète et éditeur se souvient de ses nombreuses rencontres et nous remémore ses multiples souvenirs de voyage. Tout commença par une rencontre dans les années cinquante entre Pol Bury et André Balthazar. Au départ, il y avait l’Académie de Montbliart. Pol Bury et lui avaient fuit à l’époque les polutions minières de La Louvière pour se retrouver dans une petite fermette de location, sans eau ni électricité où ils y invitaient des amis et aimaient discourir. Il fallait un moniteur pour transmettre cette pensée. C’est en mars 1957 que sort le premier numéro de la revue « Daily Bûl». L’esprit Bul, qui s’inspire de dada et du surréalisme est bien loin de s’éteindre, il reste éternel…
Extraits de l’entretien accordé.
André Balthazar : C’est Pol Bury qui m’a fabriqué. A d’autres moments des artistes comme Alechinsky, Dotremont,Yves Klein (…) “Le dépassement de la problématique de l’art” d’Yves Klein a été publié aux éditions de Montbliard en 1959. Lors de son expo, à l’ouverture du Hessenhuis à Anvers, Klein a fait un discours sur le vide qui nous avait beaucoup amusé Bury et moi. Il expliquait comment il vendait son vide dans un espace mis à sa disposition pour un lingot d’or. C’était un peu une forme de critique de l’art officiel et de l’art en général. Le vide devenant un facteur esthétique.(…) Le terme surréaliste est aujourd’hui utilisé partout. À l’époque nous étions plus proche des humoristes anglais et des petits romantiques allemands que d’un Breton dont on était agacé par les prises de position non surréalistes. A 18 ans, Bury rencontre par hasard Achille Chavée qui va brutalement l’initier, et lui faire découvrir que les natures mortes c’est poubelle. Il va l’introduire auprès de Magritte. Et Bury, en 1940, va collaborer aux deux numéros de l’Invention collective. Nous avions même voulu rendre hommage à Magritte par un petit papier que l’on avait mis lors du banquet honorant Mesens. C’était deux pipes en terre unies par une petite cordelette en soie. Nous avions mis: “ça est deux pipes”. Quand Magritte a trouvé ce papier, il s’est levé prenant d’abord son chien “Loulou” et puis sa femme Germaine et ils sont sortis vexés. Notre hommage avait été mal perçu. Ce n’est pas si bizarre que ca. Après la guerre et avec sa dernière exposition surréaliste, Bury s’est rendu compte qu’il pouvait fort bien traduire le traumatisme de la naissance, qui a beaucoup fait parler les surréalistes, par des moyens plus picturaux que par des images. De cette facon, il est entré dans une situation qui n’a pas plu à Magritte. En 40, on considérait Bury qui avait 20 ans comme le meilleur épigone de Magritte. Quand Bury s’est un peu éloigné vers l’abstraction, il était devenu l’ingrat, le traitre. Le fait que ce petit papillon vienne du Daily Bul dont Bury était une des têtes, a expliqué ce geste d’humeur qui a fait rigoler tout le monde à l’époque, y compris Mesens.
Propos recueillis par Lino Polegato
Ancien élève de l’A.P.C. (en 1961 à 1964) et de son cours de Français –
Merci à ce professeur « dont on se souvient »… pour ses lectures qui nous présentaient les « Exercices de style » de Raymond Queneau ou encore « Le Passe Muraille » de Marcel Aymé… Le goût des mots et de la poésie étaient ainsi transmis. Content de revisiter l’expo qui lui est dédiée.