C’est costaud ou solide (quoique fragile), je ne sais lequel des deux adjectifs privilégier pour qualifier l’exposition de Berlinde de Bruyckere avec Philippe Vandenberg qu’elle a invité. A montrer ainsi la souffrance liée à ce point à la beauté comme moteur de la métamorphose, l’on entre dans un milieu à haute vibration sensible.
Quand les trois nouvelles sculptures en bois (il y en a 7 en tout), cire et métal récupéré de l’artiste gantoise donnent à voir un corps horizontal, ou serait-ce un arbre, en train de se déployer ou de fléchir, de s’épanouir peut-être ou de s’affaisser, les tensions sont vives, la cruauté à portée de main et la vulnérabilité immense. Voilà ce qui noue les deux œuvres dont celle de Philippe Vandenberg (mort en 2009 à 57 ans) présente un fort empan mythologique, religieux et littéraire (Céline, Artaud, Beckett). Sa peinture aux couleurs flamboyantes dont le plan s’organise plus à la façon d’une miniature et de texte griffonné où plusieurs saynètes tourmentées cohabitent que selon une surface unifiée en son centre et son point de fuite, accompagne Berlinde de Bruyckere depuis longtemps. La révéler ainsi que les dessins aux accents intimes et sexuels, c’est honorer l’œuvre du peintre flamand (méconnu) et mettre en lumière une peinture libre dans son organisation comme « délivrante » dans son tourment. Le style connaît certes quelques évolutions brutales mais la souffrance y est émise en toute franchise. Ce trait à peu près constant éclaire un versant sous-estimé de l’œuvre de Berlinde de Bruyckere, plus violente qu’elle ne paraît. Si cette dernière a fait appel à la collaboration de J.M. Coetzee (prix Nobel de littérature en 2003) pour élaborer son exposition au Pavillon belge de la Biennale de Venise l’an dernier, elle a aussi proposé à plusieurs reprises à Caroline Lamarche de mettre des mots sur son œuvre – dont je retiens ceux-ci pour conclure : « Moment où la lutte cesse, fusion d’entrailles, point extrême de la dissolution, quand le muscle devient museau, la peau, déchet végétal, l’agonie, une danse, et la blessure, l’œil » (tiré de Mettre bas dans le Portfolio réalisé par Mirjam Devriendt, éd. Librairie St Hubert, Bruxelles, 2010)
La Maison rouge expose en même temps Philippe Artières et Mathieu Pernot, L’Asile des photographes et une œuvre de Florian Pugnaire & David Raffini dans la cour extérieure.
Isabelle de Visscher-Lemaître
13/02 > 11/05/2014
La maison rouge
10 bd de la bastille
75012 Paris
tel +33 (0)1 40 01 08 81
fax +33 (0)1 40 01 08 83
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