Le premier poursuit son travail gestuel sur des paysages synthétisés en quelque sorte par les matières qui les composent. Les traces laissées par pinceaux et brosses donnent l’impression d’un brassage tectonique. Les éléments qui dominent rappellent la terre, l’eau, le végétal. Par les évocations des coloris, par les formes.
L’œil embrasse d’un coup : cours d’eau s’écoulant, branchages épars ou assimilés à du charbon de bois, pierres d’avant leur dynamitage en carrière ou éclatées au gré des intempéries, humus étendu, lambeau de cadastre sableux, vague éclat azuré, bloc de gel fiché au sol ou ouate nuageuse étirée entre ciel et boue…
Nathalie Amand a toujours aimé les lieux. Elle en donne une imagerie où les contrastes entre le noir, le blanc et les gris jouent le même rôle plastique que dans un travail de graveur. Les présences mises en photos ont alors quelque chose de fantomatique, de mystérieux.
Ces fragments forestiers ou montagnards invitent, entre leurs composants, une luminosité onirique. Elle s’installe, évanescente, entre des troncs, des reflets de flaques. Elle conserve le halo d’un passage d’oiseau ou d’insecte. Les sombres fûts dressent des silhouettes ou des contours. Ce n’est pas là qu’on attendrait des campeurs ; plutôt quelque prédateur céleste ou terrestre, arrivé à ailes déployées ou à pattes feutrées. De même, une vidéo aquatique prend des allures de jeux électroniques avec ses insectes qui filent par à-coups à la surface de leur territoire.
Alors quand le peintre et la photographe s’unissent en superposant un film transparent sur l’œuvre de l’autre, le relief d’un interstice s’installe entre le plat du papier support et la quatrième dimension suggérée conjointement par le cliché saisi et par le geste pictural posé.
Revoir l’ordinaire des paysages sous des angles inattendus permet de les intégrer dans d’autres souvenirs, de les considérer comme des agencements plastiques bien davantage que comme des résultats d’un hasard. De prendre également conscience de ce qui sépare cette manière-ci de montrer de celle des traditionnels panoramas tellement accumulés depuis des siècles.
Ces œuvres installées au cœur d’une pièce lumineuse engendrent des envies d’y ajouter des histoires, des atmosphères narratives. C’est ce qu’a fait Paul Roland avec ses haïkus que l’on peut aussi entendre via des écouteurs. L’un d’eux dit : « J’habite les mots / les libère par tes yeux / semeurs de lumière ». Un autre affirme : « Ma ville au printemps / neuve d’ouvrir l’horizon / par le vert des cimes ».
Michel Voiturier
« Haïku. Conversation autour du paysage » à Arrêt 59, 59 rue des Français à Péruwelz jusqu’au 10 mai. Infos : +32 (0)69/45 42 48 ou http://arret59.be/
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