Young Belgian Art Prize

Young Belgian Art Prize

L’exposition collective, qui rassemble tous les deux ans dix artistes belges de moins de 35 ans sélectionnés sur le fil, questionne des processus et stéréotypes établis.

L’exposition s’ouvre sur une installation grand format en trois parties de Katrin Kamrau. L’artiste y interpelle l’approche occidentale de la photographie. Sous l’intitulé SPEKTRUM*shelf , six étagères d’ images en tourniquet, centrées sur un paramètre: le temps, le regard du spectateur, la lumière, la perception… et en toile de fond, sur le pouvoir exercé par le photographe sur son sujet. On retrouve ce thème dans SPEKTRUM*object18(portrait) : une paroi courbe avec d’un côté, 43 portraits contenant chacun un pourcentage trop élevé ou trop faible de jaune (Y) ou de magenta (M) -basés sur un diagramme de couleurs des années 70 qui servait de référence pour réaliser très rapidement une série de clichés aussi neutres que possible- et de l’autre, une statue sur socle qui renvoie à une image du premier présentoir. Modèles et clichés se confondent ici, tout comme dans la troisième part de l’oeuvre, Testreihe I-VI, où le visiteur en devient partie intégrante.

La perception des images et leur poly-interprétation est également au centre du projet photos de Max Pinckers et Michiel Burger, pour lesquels fortes de leur langage visuel, les images sont toujours politiques, directement ou indirectement. Ils ont travaillé sur la collection de l’Archive of Modern Conflict (AMC) de Londres, maison d’archives et d’édition privée, puisant dans le matériel de propagande de l’autorité coloniale britannique lors des révoltes du mouvement Mau-Mau entre 1952 et 1960, au Kenya. Au Bozar, l’œuvre présente deux stratégies opposées : la propagande coloniale d’une part présentait les Mau-Mau comme des sauvages, et la vision contemporaine kenyane des Mau-Mau qui les considère comme des défenseurs de la liberté.

Entre musique, photographie et cinéma, Floris Vanhooh, lui, s’intéresse au processus du regard, explorant les frontières entre image (films 16 mm ou diapositives) et lumière. Dans une pièce noire au fond d’un couloir, l’installation Stripes s’empare du visiteur: des projecteurs 16 mm diffusent des variations de lignes horizontales superposées, qui créent un effet d’optique comme rythmé par les sons des magnétophones (technique du phase-shifting).

 

La relation à l’espace

D’autres artistes explorent l’interaction oeuvre-espace dans leur travail. Dans ses disptyques, Emmanuelle Quertain titille ainsi la limite ténue entre le tableau et l’espace. A partir de nuances artificielles, elle intègre ses peintures à l’espace des salles, jouant sur le chaud et le froid, le neutre et le teinté. Revêtant des pans de murs entiers, les dessins au fusain d’un noir charbon d’Hannelore Van Dijk expérimentent la surface et la zone d’accueil, questionnant l’architecture du lieu, y créant un nouvel espace et par delà, une sensation d’immmersion du spectateur.

De son côté, Lola Lasurt traite d’un espace-temps qu’elle n’a pas vécu, de passé récent lié à une génération qui l’a précédée, et de nostalgie. Elle revisite ces notions au travers de trois oeuvres disséminées au sein du parcours. La bande dessinée A Visit to the CP Nel Museum With Mo, est ainsi le fruit d’une correspondance entre l’artiste et le célèbre dessinateur sud-africain Mogorosi Motshumi (°1955). Au fil d’un échange épistolaire, Motshumi a enseigné à Lasurt l’usage du langage spécifique de la bande dessinée. Plus loin, inspirée de son origine espagnole, la série de dessins The Match retrace un match de football de 1976, entre des femmes mariées et des célibataires, lors de la fête annuelle du parti communiste. Tandis que l’installation vidéo Double Authorization s’inspire de deux histoires de commémoration. L’une d’un monument dédié à l’anarchiste et pédagogue Francesc Ferrer i Guàrdia, érigé en 1911 sur la Place Sainte-Catherine à Bruxelles et objet en 1990 d’une reproduction à Barcelone. Une projection centrale présente les commémorations simultanées, et le quotidien autour des monuments. L’autre histoire relève du changement de nom de la Plaça del Generalísimo Franco à Mont-roig del Camp, devenue en 1979, la Plaça de Joan Miró. Ces retours vers le passé questionnent le plus souvent nos croyances collectives contemporaines et notre identité, dans l’état de confusion actuel.

Egalement sur un mode engagé, G.Küng réinterprète la salle de jeu d’enfant avec des jouets agrandis ou des thématiques empruntées au monde adulte. Ces objets réfèrent aux hiérarchies et structures de pouvoir qui nous entourent. Il y est indirectement fait référence à BOZAR qui, en tant qu’organisateur de ce concours pour jeunes artistes, endosse le rôle d’une structure de pouvoir hiérarchique.

 

Vibrantes videos

Dans ses créations videos, Hamza Halloubi développe une esthétique qui tente de concilier la poésie interne des rencontres humaines et une approche conceptuelle. Dans Passage, récemment tourné à Jérusalem, il filme dans un plan-séquence sa visite de la mosquée al-Aqsa, dans le vieux centre-ville, caméra en poche. D’où une image chaotique, sur fond de sonorités urbaines et de l’appel à prière du Muezzin, qui transpose ce parcours ordinaire en une image mystique de voyage.

De son côté, Emmanuel Van der Auwera réalise des vidéos, photos et installations explorant l’invisible visible, le vide, le manque ou le néant. Dans son son film A certain amount of clarity (30 min.), constitué de vidéos postées sur le Net, il expose les réactions émotionnelles d’adolescents découvrant, sur Youtube, les images d’un meurtre réellement perpétré. Entre passion morbide, répugnance, hésitation et curiosité.

Le parcours se ponctue de lectures dirigées par Hana Miletic, mentor de La Frénétick, un collectif de jeunes rappeurs bruxellois, lors des nocturnes du jeudi.

 

Catherine Callico

http://youngbelgianartprize.com

 

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