Si les chats ont sept vies, il se peut que Dewitt en ait encore davantage. Dewitt est le batteur et leader de Gang Gang Dance, groupe de folk-électro qui joue autant pour la Biennale du Whitney à New York que sur des bateaux de croisière lors d’éclipses solaires, ou encore en plein milieu de glorieux détritus d’une installation de Dash Snow. Leur musique émoustille rapidement la scène indie DIY new-yorkaise, et bien au-delà.
Le ciel semble leur sourire jusqu’à ce que Nathan Maddox, leur chanteur, qui a voulu admirer au plus près la beauté de la foudre lors d’un virulent orage, perché sur un toit de Manhattan, meure foudroyé. Pour envenir à IN.RAK.DUST, projet solo de Dewitt, on retrouve dans l’album ce qui a fait la force de Gang Gang Dance, un ingénieux entrelacement de différents styles de géographies très diverses, mélangeant d’hypnotiques voix indiennes que l’on pourrait retrouver dans des magasins pakistanais vendant des Nokias d’occasion, ou des mélodies presque celtiques, ponctuées de grosses rythmiques gangsta-rap.
En parallèle de ses lives au club GHE20G0TH1K ou de son projet avec Hiro Kone, et accessoirement après qu’on lui a tiré dessus dans un bar, Tim Dewitt nous livre cet immersif album, un peu brumeux comme chez Arca, mais une brume pleine de fraicheur digital-folk à la Felicita. La trame reste claire et lumineuse, presque dorée, bien que coupée par des hémorragies noise d’infra-beat à la Cyclo. La dimension spatiale est incroyable, révélant des paysages urbains ou naturels. On imagine qu’un vent sec tente de faire résonner différents objets abandonnés dans une ville déserte, et que ces frottements engendreraient une mélodie presque étrangement sereine.
En effet, ce flux psychédélique, harmonieusement rompu dans certains passages par des tension sous-jacentes, rappelle que l’univers citadin hard tech et incisif à la Age Reform n’est pas vraiment loin. C’est non sans plaisir que l’on retrouve la pop doucement illuminée d’Elija Crampton qui comme Tim Dewitt choisira Chino Amobi pour illustrer sa pochette d’album. Flûte de Pan, carillons exaltés, métalliques et organiques, la permissivité totale du compositeur crée un son qui s’immisce partout. Le caractère dub fait penser à certains titres de Massacooramaan, aux rythmes cosmiques (dont le merveilleux titre Zapotecean Foster Care ).
Il serait dommage d’évoquer l’album In rak Dust sans glisser quelques mots sur l’excellent groupe londonien Ornine. Comme dans le projet de Dewitt, l’approche presque bruitiste au premier abord engendre rapidement une cohérence mélodique pleine de vitalité minérale où les sons trouvent une façon de se mouvoir qui leur est propre.
Ses micro-particules sonores frétillantes ressemblent à des bruits de cristaux que l’on broie avec d’étranges machines aussi sensibles que des mains. La couleur de ces cristaux possède le bleu azuréen de la méthamphétamine comme le bleu plus satiné, presque Klein, des perles de corail.
Anna Solal
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