Poème pour Cadere

Livre

Artiste et poétesse, Laurence Skivée, publie un long poème dédié aux barres de bois rond du plasticien André Cadere.

Artiste mondialement reconnu et célébré, André Cadere a promené ses barres de bois rond multicolores dans les galeries, les villes et dans quelques-unes de grandes manifestations artistiques. Peu importe qu’il soit ou non officiellement invité, ses déambulation, œuvre sur l’épaule, s’apparentaient à la promenade d’un quidam, par ailleurs artiste plasticien d’obédience conceptuelle à la fois peintre et sculpteur. Si ces œuvres font aujourd’hui partie de collections prestigieuses, elles entamèrent leur vie en tant qu’objets nomades, déposés ça et là au gré des pérégrinations de l’artiste. Grâce principalement à l’historien et critique d’art contemporain Bernard Marcelis, l’artiste parisien d’adoption né à Varsovie en 1934, néanmoins de nationalité roumaine effectue quelques happenings (terme d’époque) en Belgique dont le plus célèbre reste sans doute sa présence à Kain (petite commune voisine de Tournai) au Café de l’Oasis en 1975. C’est chez nous aussi, en diverses communes bruxelloises, qu’un autre artiste d’origine espagnole mais installé en Belgique, Emilio Lopez Menchero a, en quelque, sorte rendu un hommage à Cadere en prenant la pose photographique dans des Trying to be, en l’occurrence posture de Cadere, en 2013.

La voix poétique

Sur l’artiste roumain, les écrits et publications ne manquent point dont plusieurs sont dues à Bernard Marcelis, véritable spécialiste de l’œuvre et de la démarche de l’artiste, dont le catalogue raisonné (avec Karola Grässlin & Fabrice Hergott, 2008, VBWK Éditeur).

Voici en complément singulier, la voix poétique par le truchement de constellation, un poème sur un travail d’André Cadere écrit par Laurence Skivée, artiste et autrice (Liège, 1973, vit à Bruxelles). L’ouvrage qui s’ouvre sur un dessin au trait est une forme de récit graphique dans la mesure où le lettrage, le corps variable des lettres, en majuscules ou minuscules, parfois en couleur, à l’horizontale ou à la verticale, en gras ou en maigre, participe d’une mise en page soignée dont le texte se découvre sur un rythme saccadé, un peu comme l’on arpenterait une suite des dessins d’écriture. Le récit, en vers libres avec quelques interventions chiffrées ou purement graphiques, est finalement celui de la vie, d’un cv sélectif poétisé, de la démarche artistique et des œuvres portables, les barres de bois rond de Cadere. A leur manière des Peintures sans fin, comme la Colonne sans fin d’un autre artiste Roumain Constantin Brancusi.

A ceci près que celle-ci est dressée, verticale, élévation, alors que les bâtons colorés peuvent occuper toutes les positions. L’autrice, Laurence Skivée, à raison, insiste sur deux aspects, d’une part l’insertion de l’erreur dans les bâtons aux anneaux colorés, de l’autre les permutations mathématiques. Et de citer : « entre l’ordre/ et l’erreur/ pure abstraction/ et vice versa ».

L’ouvrage qui se lit dans lentement, comme une marche, dans le calme et la sérénité, comprend également quelques brefs extraits de lettres rédigées entre le 19 mai et le 3 juillet 1978, à l’hôpital international de l’université de Paris où l’artiste était soigné pour une tumeur au cerveau. Ces lettres, remises au galeriste français Yvon Lambert, furent l’objet de deux livres publiés chez JBE Books. Cadere meurt, à Paris, le 12 août 1978.

En postface, Yves Depelsenaire, psychanalyste, écrivain et commissaire d’expositions, parle d’une « démarche sans aucun romantisme et ascétique, liée à l’écriture et qui fait songer à celle de l’Oulipo ».

C. Lorent

constellation, Poème sur un travail d’André Cadere, Avec une postface d’Yves Depelsenaire, 60 p., dessin en n/bl, éd. La Lettre volée, 14€.

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