LIVRE. Masereel chez Verhaeren

« Dialogue en noir et blanc » est le témoignage de la rencontre entre un graveur, Frans Masereel (1889-1972) et un poète, Emile Verhaeren (1855-1916). Deux hommes de générations différentes, idéologiquement peu compatibles. Suite à la déclaration de guerre en 1914 et aux violences qui s’ensuivirent, le poète est devenu farouchement anti-allemand ; le plasticien, ayant émigré en Suisse, s’est rangé dans le clan des pacifistes. Le lien entre les deux créateurs restant la dimension sociale qui transparait dans une bonne partie des vers de l’écrivain..

C’est après le décès de Verhaeren que paraît une première édition : « Quinze poèmes » accompagné de 57 gravures sur bois. Ensuite, ce furent « 5 récits » et « Le travailleur étrange ». C’est l’occasion pour Frans d’affiner sa technique de graveur, alliée à sa formation de typographe.

Christophe Meurée analyse la minutie du travail de mise en page, les subtilités d’une typographie originale où l’aspect poétique s’accoquine avec une nécessité narrative. Il constate : « A la poésie verbale coïncide la poésie de l’imagerie ». Et s’il reprend le terme peu usité d’éthopée (œuvre qui décrit les mœurs et les caractères des gens) c’est que cela correspond autant à ce que dessine Masereel qu’à ce qu’écrit Verhaeren. De la sorte, les traits de l’un comme les mots de l’autre participent d’une même modernité.

C’est Paul Aron qui se penche ensuite sur le rapport esthétique et éthique des deux hommes avec la ville. La perception du poète est d’abord celle de « la transformation du mode de vie rural par la ville et l’industrie » en « proscrivant le ‘je’ narratif de ses tableaux urbains ».

Masereel fut un des précurseurs de ce qui deviendra le ‘roman graphique’. Il édita plusieurs séries qu’il baptisait « romans sans paroles ». Après le décès de l’écrivain, il composa des gravures nettement inspirées de celui-ci, car comme le souligne Hans Vandevoorde, le souffle épique et « la dimension narrative des poèmes de Verhaeren ne pouvaient que rapprocher les deux maîtres ». Les figures de style de la littérature se marient au réalisme déformé du plasticien. Pas mal de gravures fonctionnent avec une présence centrale et un pourtour d’éléments épisodiques en rapport avec elle, comme c’est particulièrement perceptible avec « Fille de ferme » (1921).

Michel Voiturier

Rik Hemmerijckx, Christophe Meurée, Paul Aron, Hans Vandevoorde, « Masereel Verhaeren dialogue en noir et blanc », Sint-Amands, Musée Verhaeren, 2025, 80p. (Infos : Tel: +32 052 33 08 05; https://emileverhaeren.be/fr/. Verhaerenmuseum 71, Puurs-Sint-Amands

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