
Une copieuse monographie retrace doublement, en récit autobiographique de l’artiste et en reproductions d’œuvres présentées chronologiquement, le parcours créatif et de vie du peintre bruxellois établi en Espagne à Formentera, Gilbert Herreyns. Le récit d’une passion et d’un engagement humain.
C’est sous les meilleurs auspices que débuta le parcours artistique de Gilbert Herreyns (Bruxelles, 1943 – Vit et travaille à Formentera / Espagne) puisqu’après une formation à la Cambre, la galerie Saint-Laurent, lieu de l’avant-garde à Bruxelles, l’expose dès 1966, Il récidivera en 68 et 69. Il pratique alors la technique de la tempera en optant pour l’abstraction géométrique. Il faut dire que ses rencontres et relations de l’époque l’engagent dans une voie expérimentale qu’il ne quittera jamais. Les Salkin, Glibert, Delahaut, Goemaere, Gouat, Marti et autres sont de la partie. Tout au long du parcours qu’il retrace et détaille dans un récit monographique paru récemment, le rôle des relations humaines fut pour lui primordiales, tant dans sa vie privée que professionnelle, tant en Belgique qu’en Espagne où il choisit de vivre dès les années septante. Le présent ouvrage, dont il est l’auteur, se lit d’une traite car cet itinéraire artistique est avant tout celui d’un homme pour lequel la vie quotidienne, l’art, les relations humaines et professionnelles constituent un tout indissociable, attachant, sensible. On ne parlera pas ici de plan de carrière mais de chemin de vie dans la sincérité et l’authenticité. Comme l’illustre une photo, publiée dans l’ouvrage des quatre artistes réunis à la Maison de la culture de Tournai en 2005, Alain Winance et Gilbert Herreyns, Michel Mouffe, Georges Meurant (décédé en 2023), trio avec lequel nous avons publié un entretien*, peuvent en témoigner. Un cheminement à découvrir, révélateur d’une œuvre abstraite néanmoins en connexion étroite et permanente avec l’humain et la nature. « Si je réfléchis aux énergies et aux sensations que je découvrais et découvre toujours aujourd’hui en travaillant avec la nature, écrit-il, je me rends compte de l’ampleur des connexions possibles et des multiples manières de les manifester. Le monde dans son infinité nous est ouvert lorsque nous devenons sensibles, et cela me motive pour travailler ».
Reconnaissance internationale
Reconnu en Belgique tel un artiste de valeur et de grande qualité, il l’est davantage encore à Formentera où il vit et à Ibiza où il fut très actif artistiquement. On sait moins, car il reste discret, qu’il l’est également dans le contexte international par ses expositions à l’étranger, notamment en Espagne, aussi lors de son séjour de deux ans à New York ou de ses présences en Italie où une toile monumentale bleue (la méditerranée) fait partie du célèbre Caffé Florian à Venise. La Belgique n’est pas en reste, que ce soit en galeries ou en institutions à Bruxelles, Tournai, Namur, La Louvière… Cette œuvre construite et rayonnante, libre, très conscientisé a été célébrée par quelques plumes de référence dont celles de Toni Roca et d’Yves Michaud.

Œuvre pluridisciplinaire
Peintre à part entière pratiquant la tempera, la peinture à l’huile et l’acrylique, insérant des branchages de sabines ou des aiguilles de pins pour structurer et créer des reliefs, Gilbert Herreyns est artiste pluridisciplinaire qui pratiqua abondamment la gravure et l’impression tout en s’adonnant à de vastes installations ainsi qu’à la création de sculptures à base de matériaux naturels, branchages souples, ficelle, corde ou pierre de marès. Distinguant plusieurs périodes dans son parcours, il est resté fidèle à l’abstraction dans une variété d’approches exploitant les ressources du trait de la ligne droite ou libre, des croisements, des croix, des grilles, des empreintes du pinceau, des principes de répétitions sans se départir d’affirmation chromatique franches, vives, imposantes, en dominations monochromes modulées de vibrations et nuances intimes. « Les alternances de techniques que j’ai pratiquées tout au long de ces années, écrit-il, sont importantes. Elles montrent avant tout ma préoccupation pour l’adéquation de la nature à l’idée du travail ».
En 2003, nous écrivions à l’occasion d’une exposition solo à la Maison de la culture de Namur : « Reposant sur les qualités plastiques, le travail de Gilbert Herreyns se fonde sur des harmonies, sur des accords, sur des cadences et des rythmes. Rien n’y est régulier ou sévère, tout se situe dans les tremblements qui ne sont ni hésitations ni indécisions mais palpitations imperceptibles de la vie dans ce qu’elle a de plus secret, de plus indicible. Cette peinture, qui jamais ne se livrera totalement malgré les études approfondies que l’on pourrait lui consacrer, nous dit, avec beauté et sagesse, que l’essentiel ne se perçoit qu’au plus intime de soi ».
Pour conclure cette riche et passionnante histoire couvrant plus de soixante ans de création artistique, citons cet extrait qui sonne comme tel un credo : « L’art comme je l’entends, ne peut pas être considéré seulement comme une chose plaisante et divertissante. Je pense qu’il doit aller plus loin. Qu’il doit atteindre l’essence, la beauté intérieure. Comprenant cela, on élimine ainsi automatiquement certaines appréciations ou critiques de l’art contemporain qui prétendent le justifier par le profit ».
C. Lorent
Gibert Herryns, Chemins croisés, monographie. Texte de l’artiste, (fr,angl) reproduction coul. des œuvres de 2002 à 2022, 248 p., éditions Balàfia Postals, Espagne.
En ce moment, en Belgique, l’artiste est représenté par la galerie Faider, Bruxelles.
*Claude Lorent, La peinture abstraite aujourd’hui, entretien avec Gilbert Herreyns, Georges Meurant, Michel Mouffe, 2005, coll. Alentours, éd. Tandem.
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