
Livre et expo
La nouvelle monographie du peintre américano-belge, Jeff Kowatch, sera présentée ce jeudi 15 mai lors du vernissage de sa nouvelle exposition solo Incantation, à la galerie La Forest Divonne, avenue Louise à Bruxelles.
Installé en Belgique depuis une vingtaine d’années, le peintre américain Jeff Kowatch, originaire de Los Angeles (1965), y poursuit une brillante carrière entamée en Californie, puis poursuivie à New York durant une dizaine d’années. La monographie intitulée Jeff Kowatch, l’art subtil de l’apesanteur que lui consacre Juliette Singer, actuelle directrice du Musée des Beaux-Arts de Lille (France), retrace en textes et en multiples reproductions d’œuvres, le parcours de celui qui, imprégné de spiritualité toute religieuse, a opté très rapidement pour une abstraction néanmoins inspirée par la peinture des grands maîtres, notamment flamands, par la littérature, par des œuvres théâtrales ou cinématographiques, par des récits bibliques, par son initiation au bouddhisme.

Dès la première phrase, l’autrice note que « la peinture de Jeff Kowatch reflète son rapport au monde, imprégné de philosophie zen » et ajoute que « l’exploration de la peinture est devenue au fil de son parcours, l’unique sujet du travail de l’artiste », une peinture constituée de bulles multicolores qui « donne accès à un monde intérieur ». La ligne essentielle de la démarche tracée, Juliette Singer évoque la formation de l’artiste au métier d’acteur de théâtre et sa lente persévérance afin d’atteindre la perfection dans le jeu. Une application patiente qui restera une attitude permanente quelles que soient ses activités. L’autrice établit des rapports de questionnements et des relations entre sa démarche artistique et l’environnement de vie de sa jeunesse à Los Angeles capitale du cinéma. Au long de son parcours, le peintre sera aussi attiré par des peintures de Watteau, Picasso ou Rouault, traitant entre autres du cirque, et par les couleurs des toiles de Mark Rothko. Par ailleurs, ayant découvert au musée Paul Getty de Los Angeles le célèbre tableau de James Ensor L’Entrée du Christ à Bruxelles, c’est installé à Bruxelles, en 2016 qu’il « inversera la scène », intitulant sa très grande huile sur toile (253 x 432 cm) totalement abstraite : La Sortie du Christ de Bruxelles. Est également citée sa rencontre avec Brice Marden « dont il apprécie l’approche émotionnelle de la peinture et les couleurs atmosphériques ». Nul doute que ces échanges avec Marden aient laissé des traces profondes dans sa peinture et dans son option pour une forme d’abstraction à l’aide de « bulles » chromatiques à la fois douces et toniques.
L’effacement du sujet
Après la réalisation en 1989 d’une œuvre figurative que l’autrice qualifie « d’exorcisme », Jeff Kowatch, dans son questionnement à caractère religieux, s’interroge sur « la représentation du sacré », « fuit une interprétation littérale » et s’engage dans une brève période d’abstraction symbolique pour évoquer des thématiques bibliques allant de Judas à la croix. Cette « exploration formelle » se terminera après trois ans de pratique à la suite desquels, grâce à un marchand de couleur « qui va reconstituer le matériau utilisé par les primitifs flamands » Jeff Kowatch va adopter la technique des glacis et construire une peinture abstraite basée sur des halos de couleur et de lumière, effaçant de la sorte toute référence au sujet traité. Le cirque, Don Quichotte, les rouleaux de la Thorah et les dix commandements, Moby Dick ou Full Circle, sont cependant quelques-uns des thèmes traités. « L’effet ciré final confère à l’œuvre », note l’autrice, « une dimension atemporelle ». Pour ses œuvres plus graphiques, sur papier puis sur Dibond, il optera pour l’usage des bâtons à l’huile et l’accumulation de formes griffonnées. En conclusion, l’autrice écrit que le peintre « conjugue trois éléments essentiels : la matière, le sujet qui s’estompe et l’inconnu », sans oublier « la part de mystère et d’incertitude ».
Peinture cellulaire
L’extrême lenteur du processus pictural de Jeff Kowatch qui travaille couche par couche et ponçage, est aussi un processus d’effacement progressif des sujets dont il révèle les sources au fil des chapitres de cette monographie. L’absence visuelle ne signifie donc pas que le sujet est banni ou inexistant, il est enfoui et non pas illustré, voire formellement suggéré et peut traduire, comme l’écrit l’artiste, « une représentation de l’Absolu, de Dieu, du Sublime… », soit des notions purement abstraites. Dans les peintures comme dans les dessins, ces cellules différenciées et multipliées agissent comme le feraient des cellules souches organiques et donc vivantes qui seraient régénératrices d’un monde autre, Une sorte d’auto-renouvellement possible à l’infini, voire de résilience, serait à l’œuvre par le seul fait pictural dont la perception, légèrement floue ou nerveuse, accentue la part du mystère et d’énigme. Il y a aussi dans ces peintures quelque chose de l’ordre de la joie profonde baignée de lumière. Méditatives, émotives, sublimantes, attirantes ces peintures sont également des hymnes à la Beauté.
C. Lorent
Exposition. Jeff Kowatch, Incantation, galerie La Forest Divonne,130 avenue Louise, 1000 Bruxelles. Vernissage le 15 mai de 17h à 21h, en présence de l’artiste.
Publication. Jeff Kowatch, l’art subtile de l’apesanteur, texte de Juliette Singer et de Jeff Kowatch, 184 p., 100 illus. Coul., expos solo et collectives, 23 x 29 cm, 2024, éd. Skira. En couverture : Against All Odds, 2023, huile sur toile, 119 x 84 cm. 42 € ©D.R.
La présentation de l’ouvrage aura lieu lors du vernissage de l’exposition, le 15 mai, en la galerie La Forest Divonne à Bruxelles.
Juliette Singer a été conservatrice en chef de l’art moderne et contemporain au Louvre Abu Dhabi et conservatrice en chef du patrimoine au Petit Palais. Elle est la nouvelle directrice du Palais des Beaux-Arts de Lille.
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