Il y a quelque temps, le philosophe Alain Badiou, à l’invitation de Michel Tombroff, a donné à Flagey une conférence au sujet de sa conception de l’art contemporain. En voici l’essentiel.
Pour le philosophe français Alain Badiou (Rabat, 1937), l’art contemporain est, selon le sous-titre de son intervention, « la possibilité de l’impossible ». Il peut se définir comme une rupture contre les formes antérieures mais aussi comme « une création réelle, dont le matériau inaugural est la pure forme en tant que telle ». Par sa critique radicale du passé, il témoigne d’un côté de la fin de l’art. Mais de l’autre, il affirme que celui-ci est susceptible de devenir un art de vivre puisque capable de se mettre « au service de la transformation politique du monde » dans la mesure où il parvient « à créer par lui-même un nouveau réel par la médiation de la forme ».
C’est envisageable dans la mesure où il se sert de moyens nouveaux pour aller « dans la direction d’un nouveau mode de contemplation, d’un nouvel espace et d’un nouveau temps, lesquels nous permettent de voir notre monde dans le miroir de ce mélange qu’il est entre horreur et beauté, entre ordre et déchet, entre liberté vide et obéissance réelle ». Ceci est perceptible à travers les installations qui présentent la manifestation d’espaces inédits dans une certaine durée ; ce l’est encore dans les performances qui mettent des formes éphémères dans l’immédiateté.
Imiter n’est pas l’objectif de l’art contemporain. Il génère, en chaque lieu où il crée, non pas la présence d’une forme mais bien une place nouvelle où cette forme a la possibilité d’exister. Face à la force des lois, scientifiques ou autres, qui régissent le monde actuel, il apporte une exception sans pour autant désirer changer la loi, à l’inverse de la pratique du politique. L’œuvre d’art « n’est pas la création d’un nouveau futur ». Elle a cependant « une force prophétique ». Elle a « pour but de déclarer que finalement un nouveau monde est possible ». Elle montre « le possible lui-même de ce qui était tenu dans l’impossibilité par la loi du monde ».
Lorsqu’il n’est pas négation de ce qui existe et a existé, l’art devient « la promesse d’un futur tolérable ». Il permet d’échapper à la domination de ce qui est considéré officiellement comme possible et comme impossible par l’ordre dominant. L’art alors s’avère « l’effort de rendre visible aux yeux de chacun, à la pensée de chacun, ce qui pour le monde dominant et pour le capitalisme globalisé n’existe pas ».
MV
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