
Fin 2023, la galerie Détour à Jambes célébrait ses 50 ans d’existence . Fondée par Claude Lorent, elle figure parmi les plus anciennes galeries d’art de Belgique (1) On s’attendait à un hommage chaleureux, il le fut, un gâteau sous la forme d’une expo et d’un beau catalogue rétrospectif fut servis. Cerise sur le gâteau (empoisonnée?) Début avril 2025 le SI avertit le Collectif d’artistes qui gère bénévolement la programmation qu’ils sont interdits de programmation de nouvelles expositions à partir du 1er janvier 2026. Le Pouvoir Organisateur du Syndicat d’initiative de Jambes prend une décision que l’on pourrait taxer de brutale en leur signalant leur éviction. Les raisons invoquées à l’époque: Le monde change, il faut tout changer … Le coup est rude, d’autant plus qu’on leur subtilise les clefs, le site officiel sera dorénavant géré par le SI.
En page d’accueil, on y découvre un communiqué de Frédéric Lalloux, (administrateur du SI), qui revient sur cette éviction en pointant comme argumentaire principal l’arrêt de subventionnement par la Fédération Wallonie‑Bruxelles (FWB). On peut y lire: « Détour s’est vu refuser pour 2025 le subventionnement par la FWB pour des raisons telles que la non-rémunération des artistes, la non-mixité du programme, le manque d’actions pédagogiques, l’absence de curateur et un certain entre‑soi du comité de gestion .»
Des critiques surprenantes : épaulé par une subvention modeste, ces missions relevaient jusqu’alors de la gestion administrative du SI. Sans budget supplémentaire, comment aurait-il été possible de rémunérer les artistes ? La réponse institutionnelle est claire : la FWB appelle à un renouveau.
Namur, candidate à la Capitale européenne de la Culture 2030, veut montrer sa vitalité. Teintée de pragmatisme, la démarche place désormais un curateur général au centre des futures orientations. Un rouage stratégique, donc, mais surtout politique.
Le retrait des subsides FWB ne paraît pas uniquement financier : il coupe nettement avec un projet porté par cinq décennies de militantisme bénévole. Le renouveau exigé par l’institution remet en question la légitimité même de ce modèle. Faut-il désormais passer par une structure plus professionnelle, avec curateur salarié, pour rester audible ?
L’ère des collectifs bénévoles est-elle incompatible avec les exigences contemporaines ? Faut-il penser l’art non plus comme un acte collectif de service public, mais comme un produit institutionnalisé sous surveillance ?
À suivre donc: la galerie Détour, forte de son histoire, saura-t-elle relever le pari du nouveau modèle? Pourra-t-elle s’inscrire dans une programmation 2026 soutenue par un curateur professionnel sans perdre son âme? En attendant le changement de cap, les expositions programmées continuent, par contre , si l’expo de Christophe Buekenhoudt et d’Amandine Lamand reste programmée en novembre et décembre, celle d’André Lambotte a été supprimée par le SI.
L.P.
(1) 50 ans de parcours d’avant-garde
Née en 1973 sous l’impulsion de Claude Lorent, Détour démarre son aventure avec une ambition : accompagner la jeune création contemporaine. Les premières années virent défiler des figures marquantes — le collectif CAP (constitué de Lennep , J.L.Nyst, Lysène, Pierre Courtois), Anne‑Marie Klenes, Charlier, Ann Veronica Janssens… Un vivier d’avant-garde en Wallonie.
Au fil des décennies, la programmation, portée par un collectif de bénévoles (André Lambotte, Jean‑Michel François, Boigelot, Courtois…), a conservé une éthique exigeante. Aujourd’hui, ils étaient sept à maintenir cette ligne, vinrent s’y ajouter Isabelle Grevisse, Michel Peetz, Pauline Tonglet . Ma récente visite a confirmé cette orientation qualitative.
Un tournant, une soudaine rupture
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