Pour sa réouverture après plus de deux mois de confinement, Bozar inaugure Ah quelle aventure !, une très belle exposition de Jacqueline Mesmaeker (°1929) dont le titre renvoie autant à la vie et à la carrière de l’artiste qu’au parcours qui nous est proposé. Il ne s’agit pas d’une rétrospective chronologique : l’oeuvre de cette artiste est beaucoup trop vivante, vibrante et mouvante pour se plier au genre.
Sous la houlette de Luk Lambrecht et de Lieze Eneman, l’exposition s’attache à déployer toutes les faces et tous les médiums du travail de Mesmaeker. Les références autobiographiques (la stature de l’artiste, des coins de son appartement, des voyages à la côte,…), littéraires (Lewis Carroll, Valéry Larbaud, Paul Willems,…), ou picturales (Philippe de Champaigne, Frans Hals, Barnett Newman,…) prennent corps dans des installations, des dessins, des sculptures, des vidéos, des photographies ou des photocopies. Une lecture de ce bel acccrochage pourrait être la déclinaison de salle en salle du travail de l’artiste autour d’un des éléments qui le constituent. Ainsi, après deux salles introductives, le premier espace réunit la Stèle de béton à sa taille, Les Portes roses (une suite de 96 dessins formant un paragraphe de Alice au pays des merveilles) et Il pleut, un morceau de marbre portant les mots du titre en référence à une pièce de théâtre de Paul Willems. Cette fusion de l’intime et du formel définit l’art de Jacqueline Mesmaeker et éloigne l’étiquette d’art conceptuel qui lui est trop souvent collée (sauf si l’on considère que tout art, puisqu’il répond à l’Idea, est conceptuel). Deux autres salles s’organisent autour d’un élémént-clef de l’oeuvre de Mesmaeker : la mer. Elles prolongent et enrichissent ainsi la très belle exposition Enkel Zicht Naar West, Naar Zee présentée au CC Strombeek il y a quelques mois. A côté de deux oeuvres qui réfèrent à une navigation vers l’infini – L’androgyne et Les Antipodes – et de délicats petits dessins, on découvre une des plus belles pièces de l’exposition titrée tout simplement La Mer. Cette association d’une chromolithographie maintenue par des petits blocs de marbre, d’un dessin, d’un texte et d’une gravure recèle toute la poésie du travail de l’artiste.
Les deux salles suivantes nous mènent aux confins du rêve et de la mémoire. La série Les Péripéties qui associe deux à deux des cartes postales en fonction de relations de couleurs ou de formes entretient des analogies avec le travail du rêve. Dans les cinq vitrines titrées Le Salon des Placards, l’assemblage d’objets et de documents garde ouverte la possibilité d’autres configurations évoquant ainsi les planches de l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg. Au fond de la salle, on trouve Papier peint, une reconstitution photographique grandeur nature d’un mur d’une chambre de l’appartement de l’artiste. Au terme d’un lent travail de détapissage – un dévoilement, strate après strate, des traces de l’histoire d’un lieu -, le mur conservait des fragments du papier peint d’origine représentant des animaux et des jouets. Par cette oeuvre, Jacqueline Mesmaeker nous montre ce qu’elle a vu. Car, voir, regarder et partager la singularité de ce regard sont des intentions très importantes de son travail. On retrouve ce désir dans les deux salles suivantes, tout en ombres et lumières, avec entre autres La Pèche à la lumière ou Les Lucioles. En plus des séries Les Charlottes et Les Régentes, on y découvre une réactivation de l’installation La Serre de Charlotte et Maximilien. Beaucoup d’oeuvres de cette exposition sont des réactivations de pièces réalisées dans le passé. En les confrontant à une nouvelle situation, l’artiste les élargit et en dévoile une dimension inédite.
On pourrait encore citer la très belle installation vidéo Melville 1891, la première vision d’un projet ancien, Surface de réparation, une fascinante petite vidéo Bolsena. Tempête dans un lac volcanique, deux murs emplis de cascades de mots et bien d’autres pièce encore. Le jour où vous irez voir l’exposition, soyez aussi attentifs aux espaces entres les plinthes et les murs, les angles des escaliers, vous pourrez y découvrir des Introductions roses.
Colette DUBOIS
“Ah quelle aventure !” de Jacqueline Mesmaeker,
jusqu’au 21 juillet à Bozar.
En raison des mesures sanitaires en vigueur, il est conseillé de contacter l’institution pour réserver sa visite. www.bozar.be
Un grand mercie. – ce travail merite enfin d etre connu par un publique plus large!!!